Derniers jours

Jeudi 11, vendredi 12 et samedi 13 septembre 2008


Trois jours sans écrire sur le blog, ça commence à faire beaucoup, donc je m’y mets pour ce dernier message.
Jeudi matin, nous avons rendez-vous à l’aldea Xesic, pas très loin de Sant a Cruz, pour une dernière remise de prêts. Tout le monde est à l’heure, tout le monde écoute attentivement le discours que je répète maintenant pour la septième fois (à quelques modulations près). Ici aussi, les gens sont assez « riches » dans le référentiel local. Je fais une petite vidéo de Joaquin en train de traduire. Il gère, comme d’habitude, son discours est presque mieux calé que le mien, on pourrait presque se contenter de le laisser parler, mais je crois aux vertus pédagogiques de la répétition, donc j’en rajoute encore une couche, on ne sait jamais.
Tout le monde reçoit son prêt, à l’exception de notre vieux de 70 ans, malade… Sa cousine récupère le prêt. J’ai peur que le bonhomme ne passe pas l’hiver ; Joaquin m’explique qu’il a peur qu’on ait prêté à un mort, et je ne peux que lui donner raison. Ca craint franchement ; nous avons été beaucoup trop laxistes sur la nécessité d’être présent à la réunion de remise de prêt, par manque de temps et parce qu’on voulait prêter notre argent. Deux très mauvaises raisons.
A la fin de la réunion, on nous offre de l’atol. Je m’attends à un truc assez infect, mais en fait c’est très bon, et ça réchauffe bien. Nous rentrons à Quiché, et Joaquin nous quitte en coup de vent, il a un autre rendez-vous. Au café internet, nous finissons de ranger toute la paperasse : contrats, sollicitudes, photocopies et tous genres. Nous attendons José avec qui nous devons parler et manger avant de partir, mais il n’arrive pas et ne répond pas au téléphone. Son épouse nous apprend finalement qu’il n’a pas pu se libérer et qu’il ne pourra pas rentrer avant le soir. Nous partons donc pour la capitale en laissant les dossiers chez José.
Quatre heures de bus et de taxi plus tard, nous sommes chez Miguel. Toute la famille est là, les travaux ont bien avancé, on nous installe au chaud dans l’ancienne cuisine. On nous sert du frijol et des chicharrones ( gros morceaux de couenne de porc cuits dans le frijol).

Vendredi, nous allons au bureau de Miguel. Nous finissons de photocopier les derniers dossiers. Nous essayons d’aller visiter le palais de la culture. On nous laisse entrer, et puis finalement, non, pas de visite aujourd’hui, pour cause « d’activités présidentielles ». Deuxième échec pour visiter le seul bâtiment vraiment digne d’intérêt de la capitale, on reviendra l’année prochaine. On va quand même au marché central, où sont entassés plein de marchands d’artisanat « typique », enfin, surtout du toc pour touristes. En cherchant bien, on finit par trouver notre bonheur. Dans le marché, il y a aussi des comedors monstrueux, je mange pour 13 quetzal un caldo de res fabuleux. Tania n’a pas l’air rassurée par le contexte sociologico-sanitaire et boude un peu son assiette ; plus tard dans l’après-midi elle le regrettera et achètera des chips.
De retour au bureau, Miguel nous apprend que Don Pedro (le soit-disant responsable de communauté de Chicamán, qui nous a fauché 10000 qz) a remboursé une partie de sa dette. Nous consultons les comptes sur internet, Don Pedro a versé 2852 qz et, surprise, El Desengaño a aussi remboursé 4262 qz (sur 5400). Nos statistiques de remboursement, sans être folles, son quand même bien plus présentables : Ixathuacan 86%, El Desengaño 88%, Chicamán 77%. Miguel me dit aussi que Marcos et le trésorier d’Ixtahuacan se sont mis d’accord et que l’argent manquant va être remboursé sous peut. On croit rêver. Miguel y est manifestement pour beaucoup, il a engueulé Cristobal, Pedro et Marcos la semaine dernière.
Il ne reste plus qu’à signer le contrat avec Miguel. On lui explique bien ce qu’on a écrit et ce qu’on attend de lui pour cette année ; on développe chaque détail, il est d’accord avec nous sur quasiment tous les points (ce qui ne me rassure pas tant que ça à vrai dire), et au final seules quelques petites modifications de vocabulaire sont nécessaires. Et zou, c’est signé, petite photo pour immortaliser l’instant. La paperasse est archivée dans un gros classeur. Et zou, fin du travail au Guatemala.
A la maison, nous jouons au foot, puis au basket, contre Helen (une des filles de Miguel) et sa copine. La lutte est un peu inégale, car elles doivent avoir neuf ans, mais on s’amuse comme des petits fous.

Samedi, nous visitons La Antigua, ancienne capitale coloniale du Guatemala. Ici, étrangement, pas de déchets dans les rues, pas de vieux tacos pourris, pas de marchands ambulants, pas de costumes traditionnels, pas de petites tiendas ni de comedors miteux. Il n’y a que des restaurants affichant leurs plats à 100 qz pièce en anglais, des boutiques de souvenirs vendant des « bijoux typiques » en jade, des agences de voyages, et de touristes, beaucoup de touristes. Certains, avec leurs grosses lunettes de soleil, leur casquette, leur sac à dos, leur short, sont très reconnaissables. D’autres veulent se donner des airs de bourlingueur et arborent des accoutrements d’aventurier complètement ridicules. La Antigua, c’est beau, mais ce n’est pas le Guatemala, ce sont juste les vestiges sans âme d’un passé colonial glorieux. Cela dit, après un mois de travail, ça fait du bien de se changer les idées.
Nous nous balladons pas mal dans les rues colorées. Nous mangeons dans un restaurant scandaleusement cher, rien en dessous de 50 qz (5 euros), mais délicieux (et italien…) Encore quelques détours, et nous nous en allons.
A la capitale, nous faisons un détour chez un ami de Miguel. Il veut récupérer un truc, mais ne veut pas nous dire ce que c’est. En fait, c’est une bouteille de whisky…… Miguel me dit qu’il ne boit pas, mais que parfois, si… Il achète ce whisky pour 185 qz alors qu’il coûte 225 qz dans les tiendas.

Dernère ligne droite

Mardi 9 et mercredi 10 septembre 2008

Mardi matin, nous avions prévu de commencer à bosser à 8 heures. Nous devons avoir pris le pli guatémaltèque, car nous arrivons au café internet à neuf heures. Tania entame courageusement la rédaction de tous les contrats de Zacualpa et de Santa Cruz del Quiché ; pendant ce temps je rédige le contrat de Miguel. Rien de bien passionnant donc.

La pause de midi est l’occasion d’aller manger au chalet, restaurant « huppé » de Santa Cruz, qui plait beaucoup à Tania mais que je trouve assez surfait. Miguel (l’employé du café internet, pas THE Miguel) et sa copine squattent l’endroit où l’on travaille à notre retour, ils mettrons plus de une heure trente pour manger, et pendant ce temps le boulot n’avance pas des masses. J’en profite pour passer un nouveau coup de fil à Marcos et lui dire que je ne suis pas content, il noie le poisson, essaie de me dire qu’il a perdu un reçu et que c’est pour cela qu’il manque près de 300 euros sur le compte. Je lui explique que j’ai accès à l’ensemble des dépôts sur le compte et que ça na rien à voir avec les reçus. Il essaye de renvoyer la faute sur Andres Perez. Je lui demande pourquoi il n’a jamais voulu lui donner le numéro du compte. Réponse : c’est pas que je ne voulais pas, c’est que je ne pouvais pas, et de toute façon, c’est pour rendre service à Andres que j’ai fait ces dépôts, pour qu’il n’aie pas à le faire. Quand est-ce qu’il nous rembourse ? Il ne sait pas. Il me dit qu’il va parler à Andres, j’attends de voir, mais ses réponses évasives ne m’ont pas convaincu.

Entretemps, José arrive. Il a passé la journée à Zacualpa, à définir la ligne de séparation territoriale entre deux communautés. La zone revendiquée par les deux communautés fait entre 20 cm et 2m mètres de large, sur des kilomètres dans la montagne. Aujourd’hui, en 8 heures de marche et de concertations, José a mis les gens d’accord sur une distance de 4 kilomètres. Il y retourne demain, et puis après demain.

Il est donc assez épuisé mais il me consacre pas mal de temps, et nous parlons beaucoup. Tout d’abord de l’après-Joaquin, et du profil du remplaçant. Lui voyait plutôt un comptable ou une personne formée à la gestion, je lui explique pourquoi nous préférerions trouver un profil de travailleur social, et il a l’air assez d’accord avec moi. Nous nous mettons aussi d’accord sur ce que doit faire Joaquin avant de partir, pour que la passation de pouvoir se passe bien. En particulier, il faudra que son remplaçant ait les idées claires sur la politique du projet, ce qui signifie qu’il va falloir que nous ayons nous-mêmes les idées claires. José insiste pas mal sur ce point et je le comprends, il aimerait bien savoir dans quoi il s’engage vu qu’il va être amené à travailler avec nous pendant plusieurs années. Je lui promets une première version du rapport de la politique du projet en espagnol pour la fin septemnbre, et qu’on se concertera avec lui courant octobre. Nous parlons encore de pas mal de choses, des formations que nous pouvons dispenser à nos clients entre autres. Nous commençons tous les deux à fatiguer et avons du mal à mettre de l’ordre dans nos pensées, nous remettons donc la discussion à demain.

Après manger, nous imprimons les contrats et entamons l’énorme travail de photocopillage qui nous attend. Grâce à Tania, je découvre les joies de la photocopie recto-verso automatique, et nous gagnons un temps appréciable. Nous arrêtons vers 22h30.

Mercredi matin, nous arrivons à 7h03 devant le café internet, où Joaquin nous attend depuis une petite demie-heure. Mais c’est lui qui s’est trompé, donc tout va bien. Tania prend un bus guatémaltèque pour la première fois, et elle a de la chance : il est à peine plein, le conducteur est tranquille, la route est déserte, il ne pleut pas. Demain, le retour sur Guate sera plus problématique.

Arrivés à Zaculpa, nous faisons un détour par la « librería » de Joaquin, en fait une grande papeterie, très bien garnie et très bien organisée. Il me dit en plaisantant « il faut me prêter de l’argent pour développer ma librairie», je luis réponds « remplis une sollicitude, et si tu as de la chance, on te file 500 qz ».

Nous partons à pied sur la route de Zacualpa, et nous attendons qu’un pick-up passe par là et nous y emmène. Nous attendons 1h10. Tania, de nature assez impatiente, est un peu irritée. Il en vient finalement un, mais il s’arrête à mi chemin ; nous continuons à pied sur une route franchement raide. A trois virages de l’arrivée, un autre pick-up surgit avec déjà 11 personnes sur son dos, une table, deux glacières, des gros sacs. Nous nous faisons une toute petite place, et nous arrivons finalement à l’aldea Trapichitos avec une bonne heure de retard.

La réunion de prêt se passe comme toutes les réunions de prêt que nous avons eu jusqu’à présent. Ces gens que nous avions cru très pauvres ne le sont en fait pas tant que cela, ils gagnent tous plus de mille quetzals par mois. Ils nous demanderont d’ailleurs s’ils peuvent rembourser plus que les mensualités prévues.

Le retour à Zacualpa est rapide. En attendant le bus de Quiché, nous voyons arriver un type chevauchant une bicyclette à la trajectoire plus ou moins hésitante. Il nous voit aussi, s’arrête à notre hauteur et commence à nous baragouiner des phrases incompréhensibles où l’on comprend seulement « California » et « New York ». Inutile de lui expliquer que nous ne sommes pas des gringos, il est complètement rôti. Même Joaquin ne comprend rien à ce qu’il dit. Il me demande à plusieurs reprises si Tania est ma femme, il se gratte ostensiblement les couilles, il me demande si j’aurais un quetzal pour qu’il puisse se payer un coup. Assez collant le mec. Il sort de sous sa chemise un journal, je distingue « libre » dans le titre, je crois que c’est « prensa libre », le plus gros quotidien national ; en fait c’est « Sexo libre », un magazine un peu plus coquin. Il finit par s’en aller, et le bus finit par arriver.

De retour à Quiché, je m’offre ma première demi-journée de véritable repos depuis mon arrivée au Guatemala. Nous allons visiter les ruines Maya de Gum’ark’aj (orthographe ?). Certes, rien à voir avec les grands sites touristiques du Mexique ou même du Guatemala, mais ces petites pyramides enfouies sous l’herbe et nichées dans la forêt ont un charme certain. Un guide aurait cependant été appréciable pour apprécier pleinement la visite.

De retour à Quiché, nous traînons deux heures et demi sur internet. José revient, il en a encore bavé aujourd’hui, mais il est content. IL me montre des vidéos de son travail. Nous parlons de Joaquin et de sa librairie. Il ne plaisantait qu’à moitié en parlant de prêt, en fait il serait intéressé par un prêt de … 10000 qz. C’est à peu près la somme que nous n’avons pas dépensé, ce n’est pas illogique de vouloir prêter à des projets plus gros qui demandent un travail moindre et qui génèreraient pas mal d’intérêts. En plus soutenir des projets plus importants finira sans doute par rejaillir aussi un peu sur les populations les plus pauvres. Nous envisageons pas mal d’aspects du problème, notamment le taux d’intérêt qui pourrait être plus élevé pour les personnes plus riches et les projets plus gros. José prête déjà de l’argent à Joaquin, à 3% par mois. Pour un prêt d’XMF, Joaquin devra sans doute attendre encore un peu, car le peu de sous qu’il nous reste sera très utile au moment de doubler voir trippler une bonne partie des prêts à Chinique, Chiche et Zacualpa, dans six mois.

Après le dîner, nous reprenons le photocopillage. Je découvre aujourd’hui les joies de l’avaleuse. L’automatisation nous fait atteindre des niveaux de productivité record, et à 22h30 nous avons bouclé énormément de travail. Il est minuit et quart, je me lève à 6h. Demain matin, nous distribuons les derniers prêts à Santa Cruz del Quiché, nous filons des tas de coups de fil, nous rassemblons nos affaires, nous allons manger chez José et dire au revoir à toute la famille. Et nous redescendons sur Guate. Fin du programme prévue : vendredi, paperasserie et contrats chez Miguel puis visite du palais de la culture. Samedi, repos et visite de la Antigua. Dimanche, adieux à la famille, départ. Mercredi, les cours à l’école.

¡ Place aux jeunes !

Lundi 8 septembre

Pour nous remettre de nos exploits des trois jours passés, nous nous levons tard, à huit heure trente, et nous déjeunons dans une boulangerie pâtisserie sur la place : Tania n’aime pas manger salé au petit déjeuner. Nous nous installons ensuite au café internet, et nous commençons à mettre à jour la comptabilité du fonds de crédit et de nos comptes personnels. C’est assez compliqué vu qu’on ne se souvient de rien, mais par déduction nous arrivons à retrouver les infos importantes : qui a prêté combien, combien peut-on encore prêter. Il apparaît clairement que pour l’attribution des prêts derniers prêts, le budget ne sera pas restrictif.

Nous entamons ensuite l’examen détaillé des sollicitudes, exercice délicat et assez subjectif du fait de l’absence persistante d’une politique claire en la matière. A ce propos, cela fait maintenant pas mal de jours que je me creuse la tête sur ce genre de questions, et plus j’y réfléchis moins c’est clair. Guillaume m’a demandé de rédiger un rapport présentant ma vision de ce que devrait être la politique générale de l’institut, je commence à me demander si j’arriverai un jour à formuler les idées de façon claire, structurée et cohérente. Mais je ne désespère pas.

Loin de tous ces questionnements existentiels, certains choix sont relativement facile à faire. Tous les projets de l’Aldea Trapichitos, à Zacualpa, sont des projets à 500 qz, et toutes les demandes sont largement assez bonnes pour qu’on accorde un prêt de ce montant. Ce sont essentiellement des projets d’élevage : poules, cochons, moutons. Il y a aussi deux maçons et deux projets de tissage. Seul le groupe qui a tenté de nous entuber est rejeté en bloc, ça leur fera la **** comme disent nos collègues les militaires. Nous aurons donc quatre nouveaux groupes à Zacualpa. Toutes ces demandes datent de l’époque ou on disait aux gens qu’il ne fallait pas demander plus de 500 qz pour un premier prêt, la consigne a été suivie à la lettre, souvent au détriment du projet. Prêter 500 qz sur un an à une personne qui en gagne déjà 1500 par mois, c’est un peu absurde et pas très efficace.

Pour Santa Cruz, c’est différent. Conscients de notre erreur, nous avions rectifié le tir et autorisé des premières demandes allant jusqu’à 1500 quetzals, à condition que le projet envoie du pâté. La grande majorité des 13 personnes de Santa Cruz nous ont donc « logiquement » demandé 1500 quetzals. Mais, pour la plupart d’entre eux, le projet justifiait effectivement une telle somme. Le textile est à l’honneur avec un projet de commerce d’habits, un projet de confection d’habits, un projet de tissage, un projet de commerce de tissu. Deux personnes n’ont pas bien compris que nous n’aimons pas les projets de vache, tant pis pour elles. Par contre, le projet de vache d’une troisième personne est accepté après pas mal d’hésitations. Il s’agit d’une vache laitière et nous pas d’engraissage, la personne vend le lait et fait même du fromage. Les 1500 quetzals ne suffiront pas, mais la personne a des économies. Je suis très curieux de voir ce que ça peut donner.

Au milieu de la journée, je ne retrouve plus la clé USB. Je l’ai oubliée sur un oridnateur, quelqu’un l’a prise. La même chose nous était déjà arrivée, quand Guillaume était là. Ce qui me fait mal, ce ne sont pas les 85 quetzals que je dois débourser pour m’en racheter une, mais la perte du contrat XMF-CONCODIG 2008-2009 (en espagnol) qui m’avait demandé beaucoup de travail, et que j’avais stupidement oublié d’enregistrer sur l’ordinateur. Ca me fait bien la **** aussi, pour le coup.

Nous remarquons qu’une des personnes à qui nous allons prêter est née en … 1938, ce qui bat le précédent record (1942). 70 ans. Ceci déclenche un petit débat entre Tania et moi. Doit-on tenir compte de l’âge au moment de décider du prêt ? Pour Tania, non, pas du tout. Pour moi, oui, mais dans une certaine mesure seulement. D’accord, personne ne choisit sont âge. D’accord, le but n’est pas d’introduire l’exclusion économique des personnes âgées au Guatemala. Mais à 70 ans au Guatemala, les perspectives de développement individuel sont minces, l’espérance de vie est courte. Les efforts humains et financiers consacrés à financer, responsabiliser, professionnaliser une personne âgée, pourraient tout aussi bien être consacrés à aider une personne plus jeune, donc plus malléable et plus prometteuse. Mais doit-on aider seulement les personnes avec qui il est facile de travailler : jeunes, un peu instruites, pas trop pauvres, dynamiques, vivant en ville, ayant des compétences en matière d’artisanat… ? Il me semble que tous ces critères ne devront pas rentrer en compte dans la décision d’apporter ou non une aide à la personne, précisément parce qu’avoir une vocation humanitaire signifie vouloir aider ceux qui en bavent le plus. En revanche, nous aurons pour chaque personne que nous aidons une ambition à la mesure de son potentiel de développement. Nous ne chercherons pas à faire d’un agriculteur illettré de 55 ans un PDG de multinationale agroalimentaire, pour caricaturer. Mais pour chacun, nous ferons le maximum, et pas plus.

Je viens à l’instant de passer un quart d’heure à réfléchir à ce que je viens d’écrire dans ce paragraphe, et je ne suis franchement pas convaincu. Tant pis. Toujours est-il que notre bonhomme à 70 balais aura son prêt, parce que sa sollicitude est bonne et que le montant est adapté à ses revenus. Il est beaucoup plus facile de trancher sur des cas particuliers que d’avoir une cohérence d’ensemble, bien sur.

En fin de soirée, Joaquim nous rend visite au café internet. Nous finissons de trancher avec lui quelques cas litigieux. Nous avons entre autre peur que deux personnes qui demandent 1500 qz et à qui nous ne voulons prêter que 1000 qz refusent ce prêt au rabais, ce qui chamboulerait tous nos groupes de solidarité. Joaquin les appelle au téléphone, négocie âprement, et ça finit par passer.

Nous pourrons finalement distribuer les prêts, mercredi matin à Zacualpa et jeudi matin à Quiché. Joyabaj, ça a l’air compromis, les gens ne veulent pas ou plus emprunter avec des remboursements mensuels. On a eu le même problème à El Desengaño il y a deux jours, seules deux personnes étaient partantes pour un tel fonctionnement. Je ne sais pas trop quoi en penser, il est tard, nous nous levons tôt demain pour aller rédiger tous les derniers contrats, donc dodo.

Retour au calme 2

dimanche 7 septembre 2008

A l’heure actuelle, ce carnet de bord compte plus de111 pages, 64000 mots et 378000 caractères, espaces compris. Je trouve que ça commence à faire un peu long, donc je vais être concis et télégraphique. En plus je suis fatigué.

Lever 6h30. Mangeons bananes en chemin vers Chicamán. Trente minutes d’attente avant l’arrivée des premières personnes, la réunion de 8h démarre à 9 heures. Auditoire incomplet et assez dissipé. Discours et recommandations désormais récités par cœur, presque mécaniquement. RAS par rapport aux autres réunions de prêts. Distribution sans encombres de chèques et de monnaie. Deux personnes manquent à l’appel, l’une vient d’accoucher (son mari récupère le prêt), l’autre est malade, nous la verrons plus tard. Durant la distribution, Miguel séquestre une bonne femme sur une chaise dans un coin de la pièce et essaye de lui faire dire un texte du style « merci aux amis et bienfaiteurs de l’association XMicrofinance de nous apporter toute cette aide et de nous aider à nous développer, nous les pauvres indigènes victimes du conflit armé qui sommes vraiment dans le besoin, blablbla » devant la caméra, mais la pauvre dame se révèle complètement incapable d’alligner trois mots devant la caméra, elle élcate de rire, bute sur chaque mot ou répète mécaniquement ce que lui dit Miguel, c’est assez grotesque et touchant. Miguel revoit son casting, convoque Elizeth et deux figurantes. Elizeth est beaucoup plus à l’aise et débite toutes sortes de remerciements et de lamentations. Youpi.

Allons à la maison de Elizeth qui nous invite à manger. Le poulet fraîchement tué pour le caldo est encore tout sanguinolent. Pour attendre, mangeons fruits du verger d’Elizeth La bénéficiaire malade, une voisine, vient percevoir son prêt. Signons le contrat de responsable locale avec Elizeth ; celui-ci prévoit notamment le mécanisme de concession de prêts à distance. Mangeons le caldo, bouillon seul, puis viande, riz et légumes. Miôm.

Roulons jusqu’à Quiché. Evitons choc frontal avec cochon errant sur route. Descendons dans un hôtel car la rusticité spartiate du café internet déplait à mademoiselle Tania, qui aime aussi manger des cookies. Rencontrons brièvement José, récupérons sollicitudes (5 groupes Zacualpa, 3 groupes Quiché). Première lecture des sollicitudes démontre bon niveau des demandes mais absence absolue originalité. Rencontrons Joaquin à l’emploi du temps chargé. Ne pourra pas se libérer avant vendredi. Trouverons une solution d’ici demain. Devra vraisemblablement distribuer prêts en notre absence et scanner contrats. Examinons contrats avec lui. Il attire notre attention sur le fait qu’une des personnes qui demande un prêt vit en fait aux Etats-Unis. Voilà déjà un groupe entier qui n’est pas prêt de nous revoir. Nous nous demandons d’ailleurs si nous ne nous serions pas faits entuber quand nous avons donné le prêt à une autre personne que le bénéficiaire en son absence… A l’avenir, exigerons systématiquement de voir la personne avant de distribuer sous.

Mangeons dans comedor. Frijol ne dit rien à Tania qui a trop mangé de cookies. Retour au café internet. Rédaction de ce satané journal de bord. Demain grosse journée d’analyse, de saisie et de paperasserie. STOP.

Marathon Uspantequois

samedi 6 septembre (rédigé par Tania)

Lever à 6h pour être chez Fernando à 8h. Comme d’habitude nous arrivons à l’heure, et comme d’habitude, les guatémaltèques sont en retard. Il fallait attendre que Fernando leur courre après pour qu’ils commencent à arriver. Nous avons attendu jusqu'à 9h15 avant de commencer, sachant qu’à 9h15 il n’y avait que 5 groupes des 9 à qui nous voulions accorder les prêts. On donne alors rendez vous aux autres pour 16h à la maison de Fernando, en insistant beaucoup sur la ponctualité.

Bref, à 9h15 Sylvain a commencé son impressionnant speech en insistant comme toujours sur la spécialisation et la maîtrise des projets, la solidarité à l’intérieur d’un groupe et les remboursements. Les habitants semblent comprendre relativement vite ce qui leur est demandé, en tous cas ça se peut se voir en comparaison à ceux de Ixtahucan. On leur a accordé à tous 500 quetzals pour leurs différents projets, et on s’est alors posés la question du montant du premier prêt, sachant que les habitants sont relativement riches, et que leurs projets nécessitent souvent un prêt d’au moins 700 voire 1000 quetzals. On a d’ailleurs eu droit à la question : « est-ce qu’on peut rembourser plus par mois que ce qui nous est demandé si on peut se le permettre ? ».

Nous avons accordé les prêts à 5 groupes, et les habitants nous ont tous remerciés !!! on nous a même dit qu’ils nous devaient beaucoup pour ce qu’on est en train de faire. Les chevilles un peu plus grosses qu’à l’arrivée, nous partons pour Aldea Chamac chez Ernesto pour rencontrer deux autres groupes.

Il nous a fallu une demi heure pour y arriver, mais c’était comme si on montait les 300 marches de Lozère dans la chaleur pendant une demi heure, même si Sylvain a essayé de montrer à Miguel qu’il était un beau et fort raideur en tentant de monter en courant (ce qui a duré 10s avant d’abandonner) :-) Bref, une fois en haut, il a fallu attendre seulement une trentaine de minutes avant de commencer. On a donné l’argent aux membres des deux groupes et très vite on est redescendus, mais cette fois en tuc tuc. Nous sommes un quart d’heure à l’avance chez Fernando, et incroyable mais vrai, 10 personnes des 19 qu’on attendait pour cet après midi étaient déjà là !!! mieux encore, les 19 étaient toutes là à l’heure du rendez vous !!!! comme quoi même les guatémaltèques sont capables d’êtres ponctuels. En 1h seulement Sylvain a pu faire son fameux speech – que d’ailleurs Miguel connaît maintenant tellement bien qu’il ne se contente plus seulement de traduire mais d’y rajouter ses petites touches personnelles – et nous avons donné l’argent à tous ceux qui sollicitaient un prêt.

De retour à l’hôtel, dodo après avoir fait signer encore une fois à Miguel tous les contrats des prêts qui seront accordés demain.

Plouf

Jeudi 4 septembre 2008

Miguel nous avait dit de dormir jusqu’à huit heures, donc forcément à six heures nous sommes réveillés par le bruit environnant. Huit heures, c’est aussi l’heure à laquelle doit arriver le conducteur de la voiture ; alors forcément il n’arrive qu’à 10h40. Tania découvre tout juste la ponctualité à la Guatémaltèque, et l’attente n’a pas l’air de l’enchanter particulièrement. Nous partons donc vers 11 heures, Miguel ayant attendu le dernier moment pour chercher son chargeur de portable dans toute la maison pendant 10 minutes. Jusqu’ici, tout va bien.

Nous allons tout d’abord dans le centre, car Miguel doit passer au bureau signer un papier. Avec Tania, nous voulons en profiter pour visiter la Maison de la Culture, l’un des seuls bâtiments historiques du centre ville, mais elle est fermée au public pour cause d’activité gouvernementale. Nous nous rabattons donc sur le Correo Central, belle bâtisse de style colonial qui abrite toujours la poste, ainsi qu’une école de musique et une école des Beaux-Arts. Nous retrouvons Miguel à la voiture, en compagnie d’une femme assez jeune dont j’ai oublié le nom, portant un charmant bambin joufflu sur son dos. La señora elle vient avec nous pour le voyage ? Ah bon. Merci de prévenir Miguel…

Comme nous ne sommes pas suffisamment en retard, nous faisons deux arrêts dans deux stations services différentes, pour acheter de l’eau puis de l’huile. J’en profite pour demander ce qui nous vaut la compagnie de cette passagère clandestine. En fait, il s’agit de ****, elle fait partie de CONCODIG, elle habite Chichicastenango, c’est la fille qui pourra à terme être responsable locale dans cette ville si nous y démarrons une activité ; pour l’instant elle vient voir la distribution des prêts parce qu’elle remplacera peut-être Miguel si celui-ci ne peut pas faire sa tournée d’inspection, au cours de l’année. Je suis très moyennement emballé, elle a l’air responsable et assez fûtée, mais je l’imagine mal trimbalant seule son môme jusqu’au fond du Quiché pour aller engueuler des mauvais payeurs. Comme nous avons encore six heures de route jusqu’à Ixtahuacan, je renonce à en parler plus longuement avec Miguel, et nous repartons. Mais de toute façon, nous mettrons les choses au clair une fois la tournée effectuée.

La route jusqu’à Quiché est encore plus pourrie que d’habitude du fait des pluies récentes. Tania n’est pas consciente du confort exceptionnel que procure la voiture de Miguel par rapport aux bus, et elle subit un peu le trajet. Miguel a dû percevoir enfin mon irritation croissante, et nous ne faisons plus de pause superflue jusqu’à Quiché.

A Quiché, nous rencontrons brièvement José, nous faisons aussi un passage éclair par le café internet. Joaquin n’est pas rentré de Zacualpa, et nous ne pourrons donc pas récupérer immédiatement les dernières sollicitudes… Youpi. J’appelle aussi le secrétaire et comptable de l’association d’Ixtahuacan, il m’explique qu’il a versé tout l’argent à Marcos, et ne comprend pas pourquoi il nous manque 2797 quetzals. Ben voyons. Forcément, ledit Marcos est injoignable pour encore au moins trois jours, dans un bled où les portables ne passent pas. Va-t-on quand même à Ixtahuacan ? Oui, au moins pour parler avec les responsables locaux. Nous repartons donc pour une heure et demie de route jusqu’à Huehuetenango, ou nous dormons, car il se fait tard. Nous ferons le reste de la route demain matin. Pour sa première journée au Guatemala, Tania n’a pas été gâtée.

Vendredi 5 septembre 2008

A l’aube, en chemin pour Ixtahuacan, la décision est prise : pas d’augmentation de prêt pour eux cette année. Leur prêter 1000 quetzals était déjà un challenge en soi vu les revenus dont ils disposent pour rembourser ; l’embrouille entre Marcos et les responsables locaux finit de nous en dissuader. Ce sera donc 500 quetzals pour tout le monde. Nous modifions donc en live et à la main les 20 contrats de prêts.

A l’aldea, la réunion commence par un petit tête à tête avec le secrétaire local, Andres Perez. Il me fait une assez bonne impression, il a l’air sérieux et il me présente la comptabilité des sommes qu’ils ont données à Marcos. Une petite addition nous montre qu’au total, il aurait bien remboursé l’intégralité de la somme. Il nous explique aussi que par trois fois il a demandé le numéro du compte à Marcos, mais que celui-ci n’a jamais voulu le donner. J’ai envie de le croire, mais j’attends d’avoir la version de Marcos. S’il a essayé de nous entuber sur le dos des gens d’Ixtahuacan, ça va mal se passer pour lui.

La réunion de remise de prêts peut enfin commencer. Ici les gens sont très, très pauvres. Le message est donc assez simple : responsabilité, sérieux, responsabilité, grandes chèvres, sérieux, régularité des remboursements, pas de vaches, grandes chèvres, groupes de solidarité, revenus réguliers, responsabilité. Miguel ne parlant pas le Mam, c’est un traducteur local qui s’en charge. Vient enfin la question des mensualités. Comme l’année dernière, ils choisiront de reporter à trois mois le début des mensualités, pour attendre les revenus du lait des chèvres, mais ils devront payer un peu plus chaque mois.

La distribution commence par un groupe de quatre personnes dont aucune n’est présente… Trois d’entre elles vont arriver, mais Marcos ne viendra pas aujourd’hui. Nous lui donnerons - peut-être – son prêt quand nous le verrons. D’une manière générale, il y a pas mal d’absents, environ un par groupe, et ce sont souvent les frères, les sœurs, les époux, les fils, qui récupèrent les chèques. Tout cela se passe lentement, parce qu’à chaque fois, il faut remplir tout le tableau des mensualités à la main, la date, faire signer Miguel et le responsable local. La plupart des gens signent avec leur empreinte digitale. Le président de l’association locale, Santiago, est absent ; c’est le vice-président qui signe les contrats pour lui, lui aussi avec son pouce. Santiago finit par arriver, il s’avère qu’il est aveugle. Entre un président aveugle et un vice président qui ne sait pas lire, je suis plutôt rassuré de savoir que Andrès, le secrétaire, à l’air de gérer.

Viennent ensuite les deux groupes à qui nous avons refusé des prêts. Ils ont le bon goût d’être tous présents, et ils voudraient bien avoir leur argent aussi, j’ai pourtant dit clairement que nous avons refusé les projets de vache… Andres m’explique qu’en fait ils veulent faire des chèvres, mais que c’est lui qui a rempli les sollicitudes trop rapidement et qu’il s’est trompé. Mouais… De toute façon, nous n’avons pas de contrats pour eux, donc pas question de prêter maintenant. J’ai envie de leur redonner des sollicitudes, de leur dire de les remplir et de nous les envoyer, et qu’on avisera, mais je trouve ça un peu absurde. Je me dis qu’on aura de toute façon plus d’infos sur eux en leur posant des questions en live, et ca me saoule vraiment de me dire qu’on va devoir attendre un an pour pouvoir repartir à zéro avec ces gens, parce que de toute façon, pour les prêts à distance, ce n’est pas cette année que l’on sera en mesure de commencer. Bref, la décision, aussi criticable soit-elle, est prise : on rédige à l’arrache de nouveaux contrats pour des chèvres, et on part les imprimer. Bien sûr, au bout de quatre contrats, l’imprimante à jet d’encre du café internet local rend l’âme, on photocopie donc des contrats que l’on modifiera à la main. Du grand art, mais on n’est plus à ça près aujourd’hui… Bien sûr, on se plante en faisant les photocopies, et Andrès doit y retourner. Une petite demi-heure plus tard, ces torchons de contrats sont raturés et signés.

Après avoir signé les contrats des responsables locaux, on nous offre un caldo de pollo en remerciement. Je me sens un peu mal à l’aise en mangeant une nourriture qui est clairement au dessus de leurs moyens quotidiens, mais je n’ose pas refuser le cadeau. Nous quittons Ixtahuacan, contents d’en avoir terminé mais pas spécialement fiers de notre gestion un peu calamiteuse…

En route, nous achetons trois gallons d’essence de contrebande. Le carburant est bien meilleur marché au Mexique, et de nombreuses familles on l’air de vivre de ce petit trafic. En chemin vers Uspantán, nous passons à Aguacatán, ville sans présence policière à la demande de ses habitants. Ici, c’est le maire qui fait régner la loi ; les policiers, en protégeant les délinquants des lynchages et en les relachant peu après, ont fini par se faire haïr de la population locale… Les trois heures de route se passent sans encombres. Nous descendons dans notre hôtel favori de Uspantán. Hélas, aujourd’hui les douches sont froides…

Dans la soirée, Miguel me parle de Fernando et d’Ernesto. Il m’explique que Fernando ne connaît pas du tout les personnes de l’Aldea Chamac, sous la « juridiction » d’Ernesto, que ce dernier va être vexé et décrédibiilisé dans son voisinage si on impose Fernando comme responsable. Je lui réexplique notre position, et je présente les choses sous un angle un peu différent, et ça suffit à le convaincre. Fernando sera bien le responsable de tout Uspantán, mais nous ferons attention à ménager Ernesto, son prestige local et son ego. Dodo, après avoir fait signer à Miguel les 110 contrats des prêts que nous distribuerons demain.

Je rajoute quelques lignes au dernier moment, je viens de voir les derniers commentaires de Guillaume sur le blog, evidemment apres ëtre passe par Ixtahuacan. Oups, dois je dire ... ? non, je ne crois pas. Je crois que notre reaction sur place a ete somme toute assez mesuree, surtout dans la mesure ou ca m a tout l air d etre un probleme individuel, avec Marcos. Et nous leur avons clairement fait comprendre qu il faudra qu on recupere cet argent, nous avons bien fait passe le message des remboursements par groupes, les responsables locaux avaient l air assez d accord pour dire que ca eviterait pas mal d embrouille a l avenir. Enfin bref, on en parlera plus longuement a la rentree, et desole pour la typographie de ce dernier paragraphe ecrit sur le clavier tout pourri d un cafe internet tout pourri a Uspantan.

Mecanique des fluides

Mardi 2 - Mercredi 3 septembre

Mardi, je profitte de la seule journée ou je serai seul au Guatemala pour aller au bureau de Miguel et évacuer une bonne partie du travail de paperasserie restant. J'avais doucement rigolé devant l'argumentaire de Guillaume ventant le "travail de secrétariat" à l'encadrement de l'école. Ceci dit, après avoir imprimé, classé par numéros croissants, agraffé plus de 300 feuilles de contrats de prêt, après avoir lutté pendant une heure contre la suite office pour obtenir une mise en page correcte des contrats de responsables locaux, je dois reconnaitre que Guillaume n'avait pas menti.

Quelques bonnes et mauvaises nouvelles viennent agrémenter ce travail passionnant. Première bonne nouvelle : à Uspantán, Fernando s'est acheté un téléphone et a ouvert une boite mail, ce qui veut dire qu'on va pouvoir communiquer directement, rapidement et efficacement avec lui - du moins en théorie. Au télephone je lui donne les dernières instructions pour la réunion de distributions de prêt, qui s'annonce longue : nous devons voir près de 20 groupes en une journée, individuellement. J'ai chargé Fernando de répartir les groupes par créneaux horaires de 2 heures, mais j'ai peur que ça dépasse un peu ses capacités d'organisation. On verra bien.

Deucieme bonne nouvelle, donc, nous avons deux nouvelles sollicitudes pour deux groupes d'Ixtahuacan. La mauvaise nouvelle, c'est qu'on ne laur prêtera rien. Ce sont deux projets de vaches à 4000 qz pièce, les sollicitudes sont pourries (combien de vaches comptent ils acheter ? en combien de temps les engraissent ils ?), elles arrivent ultra tard (3 jours avant la remise des prêts, alors qu'ils ont reçu les sollucurudes vides il y a plus d'un mois), et on n'a à peu près aucune information sur la capacité de ces gens à rembourser. A ceci s'ajoute qu'on manque déjà sérieusement de visibilité là bas. Pour cette année, on en restera donc à cinq groupes, et à des projets de chèvres plus raisonnables.

Troisième bonne nouvelle, toujours en présence d'Ixtahuacan : ils viennent de nous rembourser 5644 quetzals. Mauvaise nouvelle, il leur reste encore 2797 quetzals à payer pour solder le compte,et je doute qu'ils soient en mesure de trouver la somme avant vendredi. Nous voilà donc devant un petit dilemme : prêter alors que tout n'a pas été remboursé, ce qui est très mal et très contraire à notre politique, ou ne pas prêter et perdre tous nos groupes à Ixtahuacan (leur fonctuinnement communautaire nous oblige à faire porter la responsabilité du non remboursement à l'ensemble des groupes) et compromettre ainsi sérieusement notre action future dans cette aldea. A ceci s'ajoute la question annexe : en cas de non-prêt, que fait on des 2000 euros libérés ? Les reprêter à Cunen, dans trois mois, est peut-etre une alternative.

A mesure que passe la journée, sous les effets conjugués de la prise de tête Ixtahuacanienne, de la pollution atmosphérique abominable, et des nombreuses heures passés devant l'ordi, j'ai très mal à la tête. Demain, j'emporterai du paracétamol.

Sur le chemin du retourm j'achète un jean. Il est trop grand, trop large, il ne ressmble à rien, il est d'ocase et je viens de découvrir que la fermeture éclair ne tient pas fermée. Cela dit, il ne coûte que 35 qutzals, (3 eiros 50), j'en suis donc très content.

Rentré à la maison, je feuillette le bouquin de physique du plus grand des fils de Miguel, qui suit des études d'élecronique. Je suis surpris d'y trouver pas mal de notions et de formules qui datent pour moi de la prépa et des cours à l'X, en particulier en mécanique des fluides. Je n'ai pas le temps de m'interroger sur l'utilité de la loi de Bernouilli pour un 'electronicien, car un énorme orage se déclenche, et innonde rapidement les pièces siruées en contrebas de la cour intérieure. Armés de seaux de chantier et de cuvettesm nous retrouvons tous à écoper dans une ambiance combative et joyeuse. Ma chambre aussi prend l'eau, mais les contrats fraichement imprimés sont sauvés in extremis. Dodo après un bon repas famuilial.

Mardi, Miguel part pour Chiche, ou doit avoir lieu une exhumation. Je me rends donc au bureau avec sa fille. la matinée est entièrement consacrée à terminer le travail d'empression : pas grand chose à ajouter. Arturo, le secrétaire de Miguel, m'emmène à l'aéroport chercher Taniam qui arrive du Mexique. Guillaume, qui doit aimer me faire attendre dans les aéroports, m'avait dit d´être là à 14h15, mais le vol n'arrive qu'à 14h45... Sur le chemin du retour, Tania me raconte son séjour au Mexique. Je lui explique l'état du projet et le travail qui nous attend. Guillaume avait raison, on va mourir.

Départ de Guillaume

Dimanche 31 août – Lundi 1er septembre

A l’heure où j’écris ces lignes, Guillaume est probablement plongé dans les révisions de son polycopié de mathématiques, à 33000 pieds d’altitude, quelque part au dessus du Golfe du Mexique. Quelques épreuves l’attendent : le cyclone Gustav, qui a eu la mauvaise idée de venir se loger pile entre Guate et New York ; puis 19 heures d’attente dans un aéroport New Yorkais ; suivront 6 jours et 6 nuits de révisions intenses, et une pâle abominable. Autant dire qu’il n’était pas enchanté à l’heure de quitter le Guatemala.
A vrai dire, son départ m’angoisse, et ce pour au moins deux raisons. Tout d’abord, je me retrouve un peu seul aux commandes, avec encore pas mal de boulot et la peur de tout faire foirer. Heureusement, Tania arrive dans deux jours. Ensuite, je vais désormais devoir subir les attaques incessantes des moustiques, parce qu’étrangement, Guillaume, c’était un peu mon bouclier humain, mon électrode sacrificielle.

Dimanche et lundi auront été marqués par les « dernières fois » de Guillaume. Le matin, dernière réunion de remise de prêts, à Chiche, avec Joaquin. Nous nous y rendons en bus puis en tuc-tuc ; Joaquin déploie tous ses talents de négociateur pour faire tomber le prix de 20 à 15 quetzals… La réunion débute rapidement, Guillaume déroule son discours désormais bien rôdé. Nous sommes surpris de la réactivité des hommes et du mutisme des femmes des deux groupes, car dans la plupart des réunions ce sont souvent les femmes qui sont les plus attentives et qui posent des questions. Ici, les gens sont bien plus riches que nombre de nos clients, ils ont d’ailleurs prévu de rembourser en six mois. Au moment ou Guillaume explique pourquoi nous ne voulons pas de projets d’engraissage de taureaux (trop gros, trop lent, trop peu rentable, temps de travail nul), un des gars nous rétorque qu’il sait engraisser ses vaches en deux mois, en les maintenant immobiles et en les nourrissant correctement. « Ganancia » : 1000 qz en deux mois, presque un record pour un projet agricole. Nous prenons note ; il faudra sans doute financer le projet de vache de ce mec dans six mois.
Au retour, c’est le dernier tuc-tuc de Guillaume. Nous revenons avec Joaquin sur le dynamisme des hommes. Pour lui, c’est le simple fait du machisme : la femme se tait quand l’homme est là. Dans d’autres aldeas plus pauvres, la survie économique du ménage repose beaucoup plus sur les épaules de la femme, plus responsable mais aussi plus émancipée. D’où l’idée de Guillaume d’organiser systématiquement deux réunions, une pour les hommes et l’autre pour les femmes.
A Santa Cruz del Quiche, nous retrouvons José, avec qui nous déjeunons et discutons du fonctionnement de l’association pour l’année à venir. Nous parlons en particulier de Joaquin, nous ne savons toujours pas s’il souhaite continuer avec nous, même si nous ne nous faisons guère d’illusions à ce sujet. Heureusement, José a quelques solutions en tête. Nous lui expliquons aussi que nous voulons l’impliquer fortement dans la définition de la politique générale de l’institut. C’est normal car nous allons tendre à terme vers un institut co-administré par les français et les guatémaltèques, mais ça va nous rajouter encore pas mal de boulot, ne serait-ce que pour traduire les rapports de politique générale en espagnol.
L’après midi, c’est la dernière réunion de présentation de Guillaume, devant un groupe de 4 personnes de Quiché. Assis sur un trottoir, nous sommes finalement chassés par la pluie. L’essentiel du message est cependant passé, et nous avons laissé cinq sollicitudes. Nous faisons un dernier passage par la maison de José pour dire adieu à toute la famille. En rentrant au café internet, nous craquons pour deux énormes parts de gâteau à la fraise. Prix : 0,95 euros pièce.
A peine le temps de rassembler les affaires, Miguel est déjà là. Il est passablement éméché, il a bu 6 bières lors du baptême de son frère. Heureusement, ce n’est pas lui mais son neveu Mario qui conduit durant le dernier trajet Quiche-Guate de Guillaume. Ca a d’ailleurs failli être le dernier trajet de Guillaume en voiture tout court, parce que Mario conduit comme un taré, en pleine nuit et sous la pluie. Miguel, assis à la place du mort, ne bronchera pas ; il lâchera juste un petit « tu m’as fait peur ! » dans la descente sur Guate, où un dépassement de camion dans un virage, mal négocié, a fini en dérapage.
Nous arrivons tous en vie à la maison de Miguel, qui est en plein travaux : une dalle de béton a été coulée, bientôt la cuisine déménagera à l’étage et jouira d’une vue spectaculaire sur la ville. Pour l’instant, c’est notre lit qu’on installe sur la dalle coulée il y a moins de 24 heures. Ca a l’air de tenir. Nous mangeons, Guillaume déguste ses derniers frijols en silence, il est assez fatigué je crois. Avant de nous coucher, nous aidons l’un des fils de Miguel à résoudre un problème de maths : « Un arc de parabole, dont le sommet est en haut, mesure 20 mètres de haut et 36 mètres de large à la base. A quelle hauteur a-t-on 18 mètres de largeur ? » Réponse : 15 m. La démonstration est laissée au lecteur.


La dernière nuit de Guillaume au Guatemala s’est bien passée, la dalle a tenu bon. Guillaume n’a pas été réveillé comme, à 3h57, par l’ensemble des coqs du voisinage, qui se sont mis à chanter de concert. Ou peut-être ai-je rêvé cet épisode. Après le petit déjeuner et une douche froide assez longue, je reçois les dernières consignes de Guillaume, qui s’en va vers 10 heures pour l’aéroport. Son vol est à 14 heures, mais mieux vaut être prudent avec les horaires au Guatemala.
Je reste seul à travailler à la maison, Miguel étant déjà parti au bureau. Je finis de rédiger les contrats des responsables de Chicamán, Uspantán et Ixtahuacan, ainsi que pas mal de paperasses en tous genres, j’imprimerai tout demain. Un coup de fil à Marcos m’apprend qu’il y a deux nouveaux groupes à Ixtahuacan, ça fait plaisir de l’apprendre à moins de quatre jours de la distribution des prêts… La défection d’Ixtahuacan sera au final moins sévère que prévue, mais on est encore loin du compte. Les sollicitudes doivent arriver ce soir à Guate, elles devraient être en tous points identiques à celles que nous avons déjà : 4 personnes par groupe, 4000 quetzals, 8 chèvres gérées en commun. Il va falloir encore travailler un peu pour leur expliquer que nous voulons faire des prêts individuels pour des projets individuels. Tout en faisant attention à ne pas détruire le lien social.

La maison est assez déserte et tranquille, pourtant j’aurai mis un temps fou pour rédiger ce carnet de bord. Je mesure mieux l’effort que ça a dû représenter chaque jour pour Guillaume.