Plouf

Jeudi 4 septembre 2008

Miguel nous avait dit de dormir jusqu’à huit heures, donc forcément à six heures nous sommes réveillés par le bruit environnant. Huit heures, c’est aussi l’heure à laquelle doit arriver le conducteur de la voiture ; alors forcément il n’arrive qu’à 10h40. Tania découvre tout juste la ponctualité à la Guatémaltèque, et l’attente n’a pas l’air de l’enchanter particulièrement. Nous partons donc vers 11 heures, Miguel ayant attendu le dernier moment pour chercher son chargeur de portable dans toute la maison pendant 10 minutes. Jusqu’ici, tout va bien.

Nous allons tout d’abord dans le centre, car Miguel doit passer au bureau signer un papier. Avec Tania, nous voulons en profiter pour visiter la Maison de la Culture, l’un des seuls bâtiments historiques du centre ville, mais elle est fermée au public pour cause d’activité gouvernementale. Nous nous rabattons donc sur le Correo Central, belle bâtisse de style colonial qui abrite toujours la poste, ainsi qu’une école de musique et une école des Beaux-Arts. Nous retrouvons Miguel à la voiture, en compagnie d’une femme assez jeune dont j’ai oublié le nom, portant un charmant bambin joufflu sur son dos. La señora elle vient avec nous pour le voyage ? Ah bon. Merci de prévenir Miguel…

Comme nous ne sommes pas suffisamment en retard, nous faisons deux arrêts dans deux stations services différentes, pour acheter de l’eau puis de l’huile. J’en profite pour demander ce qui nous vaut la compagnie de cette passagère clandestine. En fait, il s’agit de ****, elle fait partie de CONCODIG, elle habite Chichicastenango, c’est la fille qui pourra à terme être responsable locale dans cette ville si nous y démarrons une activité ; pour l’instant elle vient voir la distribution des prêts parce qu’elle remplacera peut-être Miguel si celui-ci ne peut pas faire sa tournée d’inspection, au cours de l’année. Je suis très moyennement emballé, elle a l’air responsable et assez fûtée, mais je l’imagine mal trimbalant seule son môme jusqu’au fond du Quiché pour aller engueuler des mauvais payeurs. Comme nous avons encore six heures de route jusqu’à Ixtahuacan, je renonce à en parler plus longuement avec Miguel, et nous repartons. Mais de toute façon, nous mettrons les choses au clair une fois la tournée effectuée.

La route jusqu’à Quiché est encore plus pourrie que d’habitude du fait des pluies récentes. Tania n’est pas consciente du confort exceptionnel que procure la voiture de Miguel par rapport aux bus, et elle subit un peu le trajet. Miguel a dû percevoir enfin mon irritation croissante, et nous ne faisons plus de pause superflue jusqu’à Quiché.

A Quiché, nous rencontrons brièvement José, nous faisons aussi un passage éclair par le café internet. Joaquin n’est pas rentré de Zacualpa, et nous ne pourrons donc pas récupérer immédiatement les dernières sollicitudes… Youpi. J’appelle aussi le secrétaire et comptable de l’association d’Ixtahuacan, il m’explique qu’il a versé tout l’argent à Marcos, et ne comprend pas pourquoi il nous manque 2797 quetzals. Ben voyons. Forcément, ledit Marcos est injoignable pour encore au moins trois jours, dans un bled où les portables ne passent pas. Va-t-on quand même à Ixtahuacan ? Oui, au moins pour parler avec les responsables locaux. Nous repartons donc pour une heure et demie de route jusqu’à Huehuetenango, ou nous dormons, car il se fait tard. Nous ferons le reste de la route demain matin. Pour sa première journée au Guatemala, Tania n’a pas été gâtée.

Vendredi 5 septembre 2008

A l’aube, en chemin pour Ixtahuacan, la décision est prise : pas d’augmentation de prêt pour eux cette année. Leur prêter 1000 quetzals était déjà un challenge en soi vu les revenus dont ils disposent pour rembourser ; l’embrouille entre Marcos et les responsables locaux finit de nous en dissuader. Ce sera donc 500 quetzals pour tout le monde. Nous modifions donc en live et à la main les 20 contrats de prêts.

A l’aldea, la réunion commence par un petit tête à tête avec le secrétaire local, Andres Perez. Il me fait une assez bonne impression, il a l’air sérieux et il me présente la comptabilité des sommes qu’ils ont données à Marcos. Une petite addition nous montre qu’au total, il aurait bien remboursé l’intégralité de la somme. Il nous explique aussi que par trois fois il a demandé le numéro du compte à Marcos, mais que celui-ci n’a jamais voulu le donner. J’ai envie de le croire, mais j’attends d’avoir la version de Marcos. S’il a essayé de nous entuber sur le dos des gens d’Ixtahuacan, ça va mal se passer pour lui.

La réunion de remise de prêts peut enfin commencer. Ici les gens sont très, très pauvres. Le message est donc assez simple : responsabilité, sérieux, responsabilité, grandes chèvres, sérieux, régularité des remboursements, pas de vaches, grandes chèvres, groupes de solidarité, revenus réguliers, responsabilité. Miguel ne parlant pas le Mam, c’est un traducteur local qui s’en charge. Vient enfin la question des mensualités. Comme l’année dernière, ils choisiront de reporter à trois mois le début des mensualités, pour attendre les revenus du lait des chèvres, mais ils devront payer un peu plus chaque mois.

La distribution commence par un groupe de quatre personnes dont aucune n’est présente… Trois d’entre elles vont arriver, mais Marcos ne viendra pas aujourd’hui. Nous lui donnerons - peut-être – son prêt quand nous le verrons. D’une manière générale, il y a pas mal d’absents, environ un par groupe, et ce sont souvent les frères, les sœurs, les époux, les fils, qui récupèrent les chèques. Tout cela se passe lentement, parce qu’à chaque fois, il faut remplir tout le tableau des mensualités à la main, la date, faire signer Miguel et le responsable local. La plupart des gens signent avec leur empreinte digitale. Le président de l’association locale, Santiago, est absent ; c’est le vice-président qui signe les contrats pour lui, lui aussi avec son pouce. Santiago finit par arriver, il s’avère qu’il est aveugle. Entre un président aveugle et un vice président qui ne sait pas lire, je suis plutôt rassuré de savoir que Andrès, le secrétaire, à l’air de gérer.

Viennent ensuite les deux groupes à qui nous avons refusé des prêts. Ils ont le bon goût d’être tous présents, et ils voudraient bien avoir leur argent aussi, j’ai pourtant dit clairement que nous avons refusé les projets de vache… Andres m’explique qu’en fait ils veulent faire des chèvres, mais que c’est lui qui a rempli les sollicitudes trop rapidement et qu’il s’est trompé. Mouais… De toute façon, nous n’avons pas de contrats pour eux, donc pas question de prêter maintenant. J’ai envie de leur redonner des sollicitudes, de leur dire de les remplir et de nous les envoyer, et qu’on avisera, mais je trouve ça un peu absurde. Je me dis qu’on aura de toute façon plus d’infos sur eux en leur posant des questions en live, et ca me saoule vraiment de me dire qu’on va devoir attendre un an pour pouvoir repartir à zéro avec ces gens, parce que de toute façon, pour les prêts à distance, ce n’est pas cette année que l’on sera en mesure de commencer. Bref, la décision, aussi criticable soit-elle, est prise : on rédige à l’arrache de nouveaux contrats pour des chèvres, et on part les imprimer. Bien sûr, au bout de quatre contrats, l’imprimante à jet d’encre du café internet local rend l’âme, on photocopie donc des contrats que l’on modifiera à la main. Du grand art, mais on n’est plus à ça près aujourd’hui… Bien sûr, on se plante en faisant les photocopies, et Andrès doit y retourner. Une petite demi-heure plus tard, ces torchons de contrats sont raturés et signés.

Après avoir signé les contrats des responsables locaux, on nous offre un caldo de pollo en remerciement. Je me sens un peu mal à l’aise en mangeant une nourriture qui est clairement au dessus de leurs moyens quotidiens, mais je n’ose pas refuser le cadeau. Nous quittons Ixtahuacan, contents d’en avoir terminé mais pas spécialement fiers de notre gestion un peu calamiteuse…

En route, nous achetons trois gallons d’essence de contrebande. Le carburant est bien meilleur marché au Mexique, et de nombreuses familles on l’air de vivre de ce petit trafic. En chemin vers Uspantán, nous passons à Aguacatán, ville sans présence policière à la demande de ses habitants. Ici, c’est le maire qui fait régner la loi ; les policiers, en protégeant les délinquants des lynchages et en les relachant peu après, ont fini par se faire haïr de la population locale… Les trois heures de route se passent sans encombres. Nous descendons dans notre hôtel favori de Uspantán. Hélas, aujourd’hui les douches sont froides…

Dans la soirée, Miguel me parle de Fernando et d’Ernesto. Il m’explique que Fernando ne connaît pas du tout les personnes de l’Aldea Chamac, sous la « juridiction » d’Ernesto, que ce dernier va être vexé et décrédibiilisé dans son voisinage si on impose Fernando comme responsable. Je lui réexplique notre position, et je présente les choses sous un angle un peu différent, et ça suffit à le convaincre. Fernando sera bien le responsable de tout Uspantán, mais nous ferons attention à ménager Ernesto, son prestige local et son ego. Dodo, après avoir fait signer à Miguel les 110 contrats des prêts que nous distribuerons demain.

Je rajoute quelques lignes au dernier moment, je viens de voir les derniers commentaires de Guillaume sur le blog, evidemment apres ëtre passe par Ixtahuacan. Oups, dois je dire ... ? non, je ne crois pas. Je crois que notre reaction sur place a ete somme toute assez mesuree, surtout dans la mesure ou ca m a tout l air d etre un probleme individuel, avec Marcos. Et nous leur avons clairement fait comprendre qu il faudra qu on recupere cet argent, nous avons bien fait passe le message des remboursements par groupes, les responsables locaux avaient l air assez d accord pour dire que ca eviterait pas mal d embrouille a l avenir. Enfin bref, on en parlera plus longuement a la rentree, et desole pour la typographie de ce dernier paragraphe ecrit sur le clavier tout pourri d un cafe internet tout pourri a Uspantan.

2 commentaires:

guillaume.virag a dit…

bon anniversaire sylvain, :) .

Sinon oui, ta réaction est tout à fait proportionnée. Vous réglerez l'affaire avec Marcos. Ca me parait bizarre tout cela, mais je t'avoues que je ne serai jamais surpris par un détournement de la part de qui que ce soit.

Quelques petites choses : n'oublies pas de
1. demander à José ce qu'il fait des 1000Qz qu'on lui a preté.
2. le plus important, bien mettre en place le système de sollicitudes à distance, avec Joaquin au moins, à Chicaman, si tu y arrives.

A et puis pour Chamac, ce n'est pas notre faute si Ernesto n'a pas les capacités pour etre respo, parle à Miguel de la différence de qualité des sollicitudes, ça règlera l'affaire. Si c'est pour avoir un Don Pedro 2 ...

Bon courage à vous, surtout Tania qui doit etre un chouilla bousculée, mais honnetement, je pense qu'elle aura eu le voyage le plus complet, ;)

Sylvain a dit…

Merci guillaume, j'avais essayé de garder ca secret, mais c'est raté... :)

On vient de finir Chicaman, et on arrive tout juste a Quiché. On a récupéré une quinzaine de groupes de sollicitudes sur Zacualpa et sur Quiche, on commence a regarder ca ce soir.

Chicaman s'est très bien passé, Elizeth a bien été brieffée sur les prêts durant l'année, et elle m'a dit qu'il y a des tas de gens intéressés. Du côté de Joaquin ca ne devrait pas poser de problèmes non plus.

bon courage pour ta pâle