Baila baila baila y baila

Dimanche 20 juillet

Cette fois-ci le lever est vraiment plus tardif : 8h. Nous prenons tranquillement un petit-déjeuner, rangeons un peu nos affaires, nous lavons. J’ai toujours trouvé que la douche froide est quelque chose de génial : ça réveille, rappelle que beaucoup de gens ne prennent pas de douches chaudes et surtout quand on reprend des douches chaudes, ceci procure une joie sans égal. On s’apprête à laver quelques unes de nos affaires un ordre de départ est donné. Bon, nous partons donc pour ce que j’avais compris être un bal masqué. En fait on va voir des gens masqués danser. On arrive donc en Zone 7 vers 10h30.

Là-bas se déroule une grande fête du quartier. Nous apprenons que ce à quoi nous assistons n’a lieu qu’une fois l’an pour célébrer le patron de la ville. Sur la rue une vingtaine de danseurs masqués se mettent à danser ce qui s’appelle le « comvite ». Derrière eux, des enceintes géantes dans un camion, des marimbas, des musiciens et un animateur. A la fin de cette première danse, il y a un mouvement de foule que nous ne comprenons pas. Nous comprenons ensuite que nous nous rendons à un autre endroit où les danseurs vont s’exécuter de nouveau. On nous explique que les gens paient pour que les danseurs viennent danser devant chez eux. Nous n’avons alors pas trop d’idée de combien de temps cela va durer, mais ne nous inquiétons pas encore.

Après une troisième danse dans un autre lieu, nous nous rendons chez la famille de la bru de Miguel. Nous sommes estomaqués en rentrant dans l’habitation. Il faut s’imaginer une cour interne de 60m² entourée d’une terrasse carrelée couverte sur laquelle donnent de nombreuses pièces. Sans compter la taille, l’état général de la maison est un cran au-dessus de ce que nous avons pu voir jusqu’ici. Après un verre d’une liqueur rapidement avalée pour ne pas sentir le goût, nous nous faisons expliquer la situation : la famille détient de nombreuses « tiendas » qui sont de très petites épiceries. Miguel en profite pour lâcher aux investisseurs que nous sommes qu’une tienda est un investissement rentable et sûr. Nous retenons cette information et demandons un peu plus d’informations sur la famille.

Trois familles vivent dans cette demeure, c'est-à-dire 27 personnes. Il semble y avoir la place de toute façon. On perçoit de mieux en mieux le mode de vie communautaire ici avec plusieurs cercles, la famille dont la proximité est grande, les amis et le quartier. Nous apprenons ensuite que la famille patronne les danseurs, c'est-à-dire qu’ils vont venir manger ici puis danser devant chez eux. Le fonctionnement de la fête est maintenant clair : les danseurs se font inviter par une dizaine de familles, vont boire un coup ou manger chez elles puis dansent devant chez eux. Le tout suivi par une foule d’une centaine de personnes environ.

En attendant nous discutons avec quelques membres de la famille de la bru. Nous comprenons alors qu’une des personnes avec lesquelles nous parlons était un guérillero. Dans un océan de paroles sur l’injustice sociale, la méchanceté des riches et des Etats-Unis, le comportement inhumain des troupes gouvernementales, nous retenons quelques informations. Premièrement la guérilla est bien plus ancienne que ce que nous avions initialement compris. Elle a débuté dans les années 60. Cependant nous nous faisons confirmer qu’ici elle n’était pas aussi puissante qu’ailleurs : de 2000, selon le guérillero, à 10 000 hommes selon Miguel sans compter le soutien de la population. Les récits de guerre laissent d’ailleurs l’impression que le gouvernement n’a jamais été mis en danger ici. Le guérillero nous explique que le Quiché a été une zone particulièrement touchée par la guerre. Il en attribue la cause à la peur des gens, et à la préférence de ces derniers de ne pas mourir plutôt que de se risquer pour une hypothétique amélioration. De toute façon, en écoutant le guérillero, qui n’est, il est vrai, certainement pas le plus brillant d’entre eux, mon impression d’hier me semble confirmée : ici, les gens préfèrent profiter de la vie que de se révolter. Toute la pensée et la rhétorique de gauche sont ici présentes dans une très faible mesure. Pas de rigueur dans la pensée, ni dans le comportement. Seulement une compréhension globale que la situation est injuste et que ce n’est pas normal. C’est d’ailleurs à une autre échelle ce que nous explique le guérillero lui-même : les gens ne connaissent pas leurs droits et ne peuvent donc pas les défendre. L’ignorance et la peur seraient les deux causes du maintien du pouvoir en place. Sans oublier les puissances occidentales, Etats-Unis en tête.

Les danseurs arrivent, nous découvrons alors leur têtes : de tous âges, ils ne semblent pas fatigués, alors qu’il a fait très chaud ce matin. On discute avec certaines danseuses qui tentent de nous extorquer des mots en français. Mais les « en », les « on » et les « v » de notre langue la rendent imprenable au premier guatémaltèque venu. Ils vont encore danser cinq fois cet après-midi, alors même que quelques averses violentes commencent à tomber. Mais cela ne semble pas trop les déranger, la danse est aujourd’hui reine.

Nous profitons de ce grand repas préparé dans des ustensiles démesurément grands mais dont on veut bien croire, au vu des 27 personnes qui habitent ici, qu’ils servent souvent. La discussion avec les guatémaltèques nous apprend les endroits les plus beaux du monde au Guatemala que nous devrions visiter. J’espère mais ne suis pas convaincu que nous aurons le temps de visiter beaucoup les grandes curiosités de ce pays. Nous avons quand même beaucoup de travail. Nous apprenons également, ce qui nous laisse un peu perplexe, que le Guatemala serait le seul pays multiculturel et multilingue de la région. Le pays est riche, il y a apparemment de l’or, beaucoup de minerais, beaucoup d’eau. J’explique alors qu’en France nous n’avons pas un sol très riche en minerai, ce qui provoque une question tout à fait pertinente : Mais alors, qu’est-ce que vous produisez en France ? Ben euh, alors, en fait, ah oui … des voitures par exemple, on produit beaucoup de nourriture aussi …

Nous repartons sur les routes locales pour suivre les danseurs, mais la pluie se fait plus virulente, ce qui annule une danse, et nous laisse beaucoup de temps pour parler avec des guatémaltèques : en 2012, il paraît que les mayas ont prévu un alignement de planètes confirmée par les scientifiques qui provoquera une baisse d’énergie de la terre. Ce sera la fin, du monde, choix 1, du capitalisme, choix 2, des hommes, choix 3 ? Je mets un peu en doute de telles conséquences terribles, pour me faire confirmer que les gens accordent une certaine crédibilité à ces choses là. Je propose une autre conséquence : ce sera la fin des frijols. Ce qui successivement provoque une certaine hilarité chez les jeunes, et une semi-hilarité chez les plus vieux qui disent qu’effectivement ce sera peut-être la fin de la nature. Nous regardons un peu la dernière danse et rentrons nous coucher très tard. Demain, nous devons partir à 7h.

1 commentaire:

nicolasmeunier a dit…

Pour les langues, ce n'est en effet pas tout à fait vrai puisque le Mexique a encore des régions qui parlent d'autres langues mayas ou aztéques mais leur nombre est beaucoup plus faibles qu'au Guatemala ( 2 nous dit notre ami Wikipédia...) mais c'est certain que le Guatemala est le seul à avoir gardé une telle diversité.

Moi, je vote pour le choix 2, la fin du capitalisme... mais 2012 nous le dira :) Surtout, ne pas provoquer les Dieux mayas...Si vous avez l'occasion, allez voir des offrandes faites aux différents dieux, c'est plutôt dépaysant...

Ah oui, je remarque aussi que Miguel a su vous introduire tout l'intérêt des tiendas (le malin) et vous proposera surement de faire un prêt à son fils pour une tienda comme il a essayé avec nous l'an dernier... Sauf que là, on ne parle de petites tiendas de village mais de vrais magasins et ca n'a plus grand chose à voir avec du microcrédit...

Et merci pour ces longues et belles descriptions de vos aventures qui me rappellent vraiment pleins de bons souvenirs :)