Marcos et Cristobal

Mardi 22 Juillet

Heureusement que la journée possède un début et une fin avec un déroulement chronologique, sinon je ne saurais par où commencer, si ce n’est par cette remarque de benjamin : « dans la voiture, je saturais en information ! ».

Commençons donc par le lever, pas de problèmes majeurs, la réunion débute à 8h, nous nous levons donc à 7h45 et partons, après avoir payé la somme monstrueuse de 16€ pour deux chambres, à 8h. A 8h15 comme on est en avance, on s’arrête pour voir si Miguel peut acheter une cassette vierge dans un désert technologique. Je demande alors qu’il est descendu ce que signifie avoir réunion à 8h à notre chauffeur. Cela veut bien dire que la réunion commence à 8h? Bon, alors allons-y ! 8h45 nous arrivons à un croisement de routes où plusieurs personnes nous attendent. Nous descendons et commençons à gravir une pente rocheuse menant à un passage étroit où coule un ruisseau. Nous parcourons 100m dans ce passage digne d’un conte de fée. Nous arrivons à une petite maison qui n’est pas en pain d’épice mais tout comme. Finalement ne sont là que les gens à qui on a prêté l’année dernière même si la veille Miguel nous avait dit qu’il y aurait sûrement de nouvelles personnes. Pas de problèmes, nous ne ferons donc qu’un état des lieux du projet Maya Desarrollo et des projets de chacun.

La réunion débute par une présentation de chacun. Nous expliquons que nous sommes de la même association que les français qui sont venus l’année dernière et que nous sommes là pour évaluer le projet, et le continuer. Pour les gens d’ici, Ixtahuacan, l’espagnol n’est pas leur langue maternelle, c’est le Mam. Marcos traduit donc ce que nous venons de dire. Après cette entrée en matière, j’explique que nous allons faire un nouveau tour de table où je demanderai à chacun ce qu’il pense du projet, de décrire son projet et les problèmes rencontrés s’il en a rencontrés. Nous commençons donc par le trésorier de l’association qui nous dit que le projet est très bien mais qu’ils ont eu des problèmes pour payer en hiver. Arrivent deux autres personnes à qui nous réexpliquons brièvement ce que nous venons de dire. L’un d’entre eux est un méga cas particulier, parce qu’il loue ses terres au Mexique et qu’il galère donc pour payer chaque mois. Il faudra réfléchir à comment gérer ce monsieur là, mais à mon avis, comme on ne peut pas trop faire de cas particuliers, sinon tout le monde s’y met, il va encore devoir faire quelques trajets.
Au fur et à mesure du tour de table, on croît halluciner : d’abord on apprend que les gens ont eu du mal à payer en hiver, bien nous avons déjà prévu le coup et nous adapterons. Mais on atteint le champignon de Amsterdam, lorsque l’on apprend qu’en fait certains projets n’ont pas encore provoqué d’entrées d’argent !
On a fait rembourser ces gens alors que les projets ne généraient aucun revenu, c'est-à-dire qu’on a demandé à des gens pauvres de prendre clairement sur leur budget du mois, qui, il ne faut pas se leurrer, doit être à 80% de l’alimentation. Pour être clair, ils ont certainement sautés un repas par jour pour nous rembourser, c'est-à-dire juste ce que l’on ne veut pas. C’est là que l’on voit toute la nécessité de bien transmettre toutes les informations que l’on a. Loïc parlait mieux espagnol que moi, et pourtant il n’a pas réussi à obtenir ces informations, parce qu’il faut du temps. En partant avec déjà les informations de l’année dernière, nous en apprenons encore plus. Et à mon avis, nos successeurs continueront à tomber des nues pendant un certain temps.
La raison de ceci : comme je l’expliquai avant de partir à quelques parisiens et lyonnais qui viennent pourtant de la campagne et qui osèrent rire de ma personne, les animaux, pour produire du lait ont besoin d’avoir un petit. Tant qu’ils n’en ont pas ils ne produisent pas de lait. Du coup les groupes qui ont acheté une chèvre jeune ont tous, sans exceptions, galérés. Alors que les groupes qui ont acheté une vache ou des chèvres adultes n’ont eu aucun problème, ce qui montre dans une certaine mesure que les mensualités étaient quand même bien calculées dans le cas où il y avait vraiment des revenus.
Nous comprenons également qu’une bonne partie des groupes consomment leurs produits et ne le vendent pas. Ainsi c’est donc bien un lissage de consommation que l’on fait en assurant une consommation régulière via les projets. Il nous faut donc l’assumer et adapter les remboursements pour augmenter l’effet. D’ailleurs nous continuons le tour avec cet avis général que le projet est très bien et qu’il faut le continuer. Et tous accueillent avec joie notre proposition d’adapter les remboursements à la saison. En été ils paieront plus d’argent, en hiver moins. On propose aussi un décalage violent des mensualités, et évidemment ça dépend des groupes. Ceux qui n’ont pas eu de problèmes trouvent le système actuel très bien. Nous remarquons d’ailleurs l’attitude des femmes, dont la microfinance dit tant de bien : ultra responsables, elles ne voient pas les problèmes, n’ont pas de problèmes à payer. Ca tourne, point. Nous finissons notre tour de table avec une responsable de groupe qui ne parle pas espagnol. Marcos nous traduit ce qu’elle dit : tout va bien avec le projet, même si parfois elle a eu du mal à s’en occuper parce qu’elle était au chevet de son fils de 15ans malade d’une leucémie. Assise à ma droite, pendant la traduction, elle fond en larmes. Je la regarde et me fait traduire par Marcos : nous sommes tristes pour son fils et impressionnés de son courage et de sa détermination à continuer le projet. Je lui pose les mêmes questions de routine, traduite par Marcos, ce qui lui permet de se ressaisir et de nous expliquer le cas de son groupe qui tourne très bien.
J’enchaîne sur cette expérience pour conclure que nous sommes impressionnés, ce qui est un euphémisme, qu’ils aient tous remboursé dans ces conditions. Leurs efforts ne seront pas vains, nous les prendrons clairement en compte dans les prochaines demandes. Par ailleurs, leur excellent exemple nous permet de montrer à nos partenaires en France le sérieux des gens ici et leur volonté de développement. Ainsi nous pourrons revenir avec plus d’argent grâce à eux. Leur lutte est donc non seulement personnelle mais également sociale. Miguel enchaîne dans le même ton. Le président du projet (tous ces groupes sont réunis en une organisation) conclut en nous remerciant. Nous faisons une photographie de groupe et allons admirer le veau et la vache qu’a amenés une des responsables de projet.

Nous faisons ensuite une visite des groupes que je suis heureux d’avoir négociée. Nous arrivons à Aldea Acal, un lieu typé au possible : à l’entrée, nous passons devant une église en construction, ensuite nous traversons une cour d’école où de jeunes enfants sont en train de jouer. Enfin nous arrivons dans un petit chemin de terre où de petites maisons ont été semées de temps à autre de chaque côté. Seul chose dommage, l’absence totale de goût des guatémaltèques en ce qui concerne l’architecture et les arts décoratifs. Un responsable de projets nous montre donc son terrain qui est constitué d’une petite parcelle de 5m de large sur 30m de long à un endroit où pourtant, il ne semble pas manquer d’espace tant les forêts s’étendent à perte de vue. Nous y voyons les chèvres achetées dans un petit enclos et lui posons quelques questions : prix du lait, quantité de lait possiblement produit par jour par de telle race, ce qu’il gagne en été et en hiver. Donc en hiver, nous apprenons qu’il gagne entre 50 et 100 Qz, et bien sûr le montant des remboursements s’élève à plus de 50Qz par mois.
Nous sortons de chez lui en observant sa femme qui fabrique un vêtement avec un métier à tisser mode maya et en se retrouvant avec quelques oranges et des bouteilles d’eau en cadeau. Nous continuons alors à pied, devancé par des papillons couleur jaune vif et entourés de plantes colorées aux odeurs étranges et pourtant parfois familières. Ainsi je m’arrête car cela sent fortement la menthe et cherche à trouver la coupable. Marcos me la montre et me fait ensuite part de son expérience en la matière. Il semble connaître énormément de choses sur les plantes ici et m’explique les vertus médicinales de chacune. Nous continuons ainsi 200m puis coupons à travers un petit pâturage pour atteindre une nouvelle habitation où habite un autre responsable de groupe. Je me fait confirmer que les mois d’hivers les rentrées d’argents sont très faibles, quasi nulles. Nous prenons quelques photos et atteignons un troisième endroit, non sans être passé devant un temple évangélique tombé du ciel en pleine nature. Là, le responsable m’explique clairement qu’ils n’a aucune rentrée d’argent en hiver; il est vrai qu’il semble plus pauvres que les autres. Je me demande comment il fait et va faire pour nous rembourser les deux derniers mois. J’ai envie de stopper ça et d’étaler les remboursements sur les mois d’après, mais cela impliquerait qu’il ne puisse pas réemprunter en septembre. Ils ont déjà tant fait d’efforts que je ne changerai rien. Ils luttent pour suivre le contrat, alors respectons ce contrat autant qu’eux. Mais je me jure que le prochain qu’ils signeront sera adapté! L’erreur est inhumaine quand on traite de misère.
Comme les autres projets sont loin et qu’il est vrai que nous avons suffisamment d’informations se recoupant sur le projet et que je sens de toute façon qu’il ne faut pas en demander plus, nous rebroussons chemin. Nous félicitons une dernière fois les agriculteurs, leur expliquons de nouveau ce qui va se passer maintenant, et leur disons que nous, ou nos camarades reviendront en septembre leur accorder de nouveaux prêts. Marcos rentre avec nous, et nous rentrons donc sur Ixtahuacan. Je comprends alors que Marcos vient avec nous à Uspantan, où se trouvent les deux autres villages auxquels nous avons prêté de l’argent l’année dernière : El Desengaño et Chicaman. C’est parfait, nous pourrons mieux connaître cette personne qui nous impressionne : il semble gérer sa communauté d’une main de fer. Il est très respecté, et quand il expliquait hier que les gens luttaient mais payaient, nous comprenons mieux aujourd’hui.

Nous allons donc nous garer pour manger à Ixtahuacan. Ce faisant nous sommes bloqués dans une rue par un camion à droite et … un corps humain à gauche. Un monsieur décale les pieds du gisant et nous pouvons passer. Nous nous arrêtons à 2m d’un camarade du gisant qui a décidé d’adopter la même position. Nous rentrons dans un restaurant dont l’insalubrité repousserait tout européen qui se respecte : la cuisine à l’étage est en terre battue du sol au plafond dans un état d’entretien qui concourt avec celui d’une crypte hantée. Heureusement, je ne vois ça qu’après manger. Nous commandons l’unique plat et je demande à Marcos ce que sont que ces corps. Des gens ivres ! J’ai pourtant fait les ferias de Bayonne, je n’avais jamais encore vu un homme ne pas broncher en plein soleil à 13h quand on le décale à grand coup de pied pour faire passer une voiture. Marcos poursuit par un « aqui, no hay policia ». Les gens, comme nous l’avait dit Loïc, lynchent les délinquants, s’il y a un problème. Mais apparemment, Ixtahuacan est plutôt une tranquille ville. Nous finissons de manger tranquillement en parlant de ce que nous avons vu dans la matinée.
Nous partons ensuite pour Uspantan, après une petite halte à la maison de Marcos et une autre à Huehuetenango pour que nous puissions aller sur internet rapidement, le temps de gérer un blog bourré de fautes d’orthographes, des comptes en banques et des gens qui demandent de l’aide en plein été pour créer un institut de microfinance. Il faut leur dire que ce n’est pas le moment ! Je note avec joie que la monnaie européenne est toujours plus forte et que nos 9200€ représentent largement plus de 100 000 Qz. Pendant ce temps là, Miguel achète quelques cacahuètes et des sortes de frijols cuits. « Un poco duro » nous dit Marcos. Après avoir manqué de me casser deux dents sur la chose la plus dure que je n’ai jamais mangé depuis longtemps, j’interroge Marcos.
La guerre à Ixtahuacan a été très dure, comme au Quiché. Ici la cause était que le village était séparé en plusieurs camps, puisque Ixtahuacan était la limite entre les territoires de deux groupes de guérilléros. Sans compter bien évidement les militaires. La partie haute de Ixtahuacan a donc été sévèrement touchée avec beaucoup d’assassinats et de massacres dans tous les sens. En revanche dans la partie basse, les responsables de communauté aurait joué beaucoup plus fin, en s’entendant avec un peu toutes les parties en restant neutre en surface. Du coup seulement 17 morts violentes en beaucoup d’années de guerre. Marcos nous explique qu’il y avait bien des guérilleros, mais que la rébellion était plus stratégique et plus cachée. Il faut connaître l’histoire de ces villages, nous dit-il : il y a beaucoup de rancoeurs envers ceux qui ont dénoncé ou qui ont aidé le mauvais camp. A Uspantan où nous allons, deux françaises, les mêmes qui se sont fait voler toutes leurs affaires, ont monté un projet d’artisanat avec plusieurs communautés. Une des personnes avait un grand-père qui avait été du coté des militaires, ce qui a suffit à faire diviser le projet, et à le rendre improductif, les différents ateliers étant beaucoup trop loin les uns des autres.
Je comprends de la même façon que Marcos non plus n’était pas un guérilléros engagé. Lorsqu’il nous explique les rancoeurs et la stratégie de la partie basse de Ixtahuacan, il nous dit que les contacts avec le pouvoir lui avaient valu un test à la fin de la guerre. Lors d’une réunion, deux guérilléros commencent la réunion par lui demander : Au fait, M. Ortiz que pouvez vous nous dire de la guérilla ? Marcos, qui semble maîtriser plus que le guérilléro rencontré à Guatemala Ciudad la pensée et la rhétorique de gauche, leur a expliquer les thématiques marxistes, ce qui les a rassurés. Nous finissons cette discussion, en parlant un peu de l’épuration en France, à la fin de la seconde guerre mondiale.

Miguel appelle Cristobal. Ce dernier sort des excuses ultra-bidon pour qu’on n’aille pas le voir. Impossible de le voir mercredi ou jeudi, et impossible de dépêcher quelqu’un en son nom pour faire une évaluation du projet avec les gens. Nous commençons à nous dire que ce mec n’est vraiment pas crédible. Dommage, car Loïc nous avait dit que c’était certainement le plus éduqué de tous. Il nous faut donc surtout des gens fiables, encore plus que des gens éduqués.
Le décor est ici magnifique, de grandes vallées verdoyantes sont entourées de montagnes hautes et saillantes mais dont le sommet est arrondi, signe d’une érosion moindre que dans le massif central mais plus forte que dans les pyrénnées ou les alpes. Le tout couvert d’arbres et de champs d’herbes broutés qui ont de loin l’apparence des gazons anglais. Nous arrivons à Cünen, ce qui cause un échange d’explication sur le nom de la ville, qui nous rappelle que Marcos et Miguel n’ont pas la même langue natale, ni la même culture. Pourtant ils nous paraissent très proches, et il est vrai que beaucoup de choses les rapprochent quand même. Nous nous arrêtons pour prendre une photo tant le décor est magnifique. Au loin des cubes de toutes les couleurs semblent bien rangés dans un carré. Marcos me dit que c’est un cimetière ! Un peu surpris par le caractère multi couleurs des tombes, je m’informe sur la signification des couleurs ici. Le plus éloigné de nous est le blanc qui est la couleur de la mort ici, puisque les morts sont pâles. Pas faux ! Nous repartons.
Quelques questions magnifiques nous sont posées au cours de ce voyage, symboles de l’éloignement de nos mondes.
« La France c’est grand ?
- Comme le Guatemala à peu près
- Et on y parle quelle langue ?
- Le français
- Il n’y a pas d’autres langues officielles, l’anglais par exemple ? » Ce qui donne lieu à un sourire complice avec Benjamin, mais nous continuons :
« Non, seulement le français. Notre pays est en fait très uni, comparé à ici. Les gens ont tous la même langue et une grande partie de leur culture en commun.
- Vous, vous êtes indigènes de France ?
- A moitié, il y a beaucoup d’immigration en France depuis un siècle et demi, donc moi par exemple, la famille de mon père vient de Hongrie, mais la famille de ma mère est indigène.
- De la même façon pour moi, continue Benjamin, ma famille vient de Pologne.
- Ah le pays du pape ! nous lâche admirablement Miguel
- Oui de l’ancien pape.
- C’est vrai.
- Il n’y a pas eu d’invasions dans votre pays, reprend Marcos
- Non ce serait plutôt nous qui avons envahi les autres. Bien sûr, il y a eu les guerres, mais rien de comparable à la présence espagnole ici pendant des siècles. La dernière invasion durable remonte aux anglais vers 1400, et encore à cette époque, c’était plus une question de seigneurs qu’autre chose.
- Et la France, c’est un pays démocratique ?
- Oui, aujourd’hui la démocratie y fonctionne assez bien.
- Comment sont réparties les terres ?
- En France, il y a eu des révolutions qui ont assez bien répartis les terres. Depuis il n’y a pas 14 grands propriétaires comme ici, qui contrôlent 80% du territoire. » Nous continuons à expliquer un peu la situation chez nous. Exercice difficile, tant ce sont des notions et acquis de bases, évidents, que l’on explique rarement, que nous devons décrire.

Nous arrivons à Uspantan, charmante ville comme toutes les villes que nous avons croisées dans le Quiché. Bien sûr ce commentaire est relatif à la laideur de Guatemala Ciudad, mais ici, il y a moins de maisons en perpétuelle construction, et même une ou deux façades peintes ne contiennent pas de publicité. Nous arrivons à un petit hôtel charmant, plus encore que la veille. Miguel nous présente un coordinateur de 41 communautés et un de ses aides, que nous saluons. Nous leur expliquons également que l’anglais n’est pas langue officielle dans notre pays, et que la France c’est plus loin que les Etats-Unis, il y a même un océan à traverser pour y aller. Pendant ce temps là, Miguel appelle Cristobal qui doit nous rejoindre. Sa fille lui répond qu’il est sorti. Je suis un peu consterné par une attitude aussi puérile. Miguel l’est encore plus et veut tout arrêter à El Desengaño. Je montre que ce n’est pas notre avis, que nous voulons d’abord comprendre ce qui s’y passe. Nous montons discuter avec nos convives. Là, le monsieur coordinateur de beaucoup de communautés prend la parole. Il s’appelle José Ernesto Menchú Tojin et nous parle de groupes de solidarité. Ah, en fait, ceci est une réunion de présentation du microcrédit et l’établissement d’un nouveau partenariat. D’accord, je ne m’étonne pas de ne pas avoir été prévenu une seule seconde, et vais chercher de quoi noter. Reprenons, nous avons donc une nouvelle possibilité de travail à Uspantan. C’est parfait, parce que nos prédécesseurs et leur implantation géographique « dès la première année, dans des régions différentes » nous ont refilé des coûts structurels ultra-violents. J’ai retrouvé dans un document de Loïc un document de viabilité organisationnelle.
« Erreurs à éviter :
- Zones à trop faible densité de population, rendant coûteuse toute intervention.
- Zone avec forte insécurité.
- Zones dans lesquelles d’anciens projets ont échoué ou ont rendu les populations dépendantes. On n’est pas là pour faire de l’assistanat. »
C’est simple, on en a pas oublié une, on les a bien toutes. En fait, je suis très content qu’ils aient fait le projet d’Ixtahuacan, car c’est celui qui tourne le mieux, et de loin. Nous aurons juste des coûts très violents, tant que nous n’aurons pas densifié tout cela, ce qui va prendre du temps.
Nous nous lançons donc dans un laïus non préparé. Miguel nous aide un peu. Cela se passe assez bien, à part que je m’embourbe dans l’explication des calculs des mensualités, après avoir expliqué que nous avions un taux d’intérêt mensuel. Le secrétaire du monsieur semble vouloir comprendre comment nous faisons. Je lui lâche donc une équation de calcul de mensualités fixes avec un taux d’intérêt mensuel, ce qui fait à peu près 10 lignes l’équation. Il fait semblant de suivre, donc je lui montre sur quelques exemples de l’année passée. En plus, je lui montre quelques exemples de remboursements plus forts en été qu’en hiver. Le responsable est allé discuter avec Miguel et Marcos et il a bien raison. Nous finissons en insistant sur leur rôle de suivi mensuel des prêts. Nous tenons à être au courant de ce qui se passe, ils devront rendre compte à Miguel et à nous par internet. Je leur laisse donc nos coordonnées et prend les leurs. Cette année, en début de mois, il y aura systématiquement une phase d’appel de tous les responsables pour savoir ce qui se passe ici. La réunion se termine sans souci, seule une petite chose nous fait sourire : le gérant de l’hotel a laissé un petit panier en osier pour qu’on laisse de l’argent : il a laissé une ampoule allumée pour nous. Nous y laissons un peu de monnaie et partons manger dans un petit restaurant méxicain.
Une grande partie de la discussion est sur Cristobal. Miguel émet l’hypothèse que les gens l’aient remboursés mais que lui n’a pas déposé l’argent. J’insiste sur le fait que nous devons voir et savoir ce qui s’y passe. Nous devons nous rendre sur place de toute façon. Miguel nous conte alors l’histoire de monsieur disparu à El Desengaño au début du mois de janvier, on ne sait pour quelle raison. El Desengaño est reculé, et il y a un bon bout de chemin sans aucune maison pour l’atteindre. « No tengo mielo, pero … ». J’hésite entre rire intérieurement et accorder du crédit à la seule personne qui connaisse la situation ici. J’argumente qu’une personne qui n’a pas le courage de venir s’expliquer avec nous, ne me semble pas de taille à nous préparer une embuscade ! Nous tombons finalement d’accord : nous attendrons le lendemain et si Cristobal ne nous contacte pas, nous irons à la première heure jeudi à El Desengaño. « Debemos ver y saber », je conclus, et nous finissons nos burritos, tacos avec une sauce proche du Guacamole dont je tombe amoureux et allons nous coucher, après deux petites heures d’écriture pour moi, où je n’arrive même pas à finir le récit de la journée tant elle fut longue.

2 commentaires:

nicolasmeunier a dit…

Bueno, bueno... C'est trés étrange pour Cristobal, on a beaucoup discuté avec lui, on a meme dormi chez lui, il était extremement motivé. Je pense qu'il a peur de vous rencontrer à cause du fait que les remboursements n'ont pas été fait correctement... et que ca le dérange. J'espère juste que ce n'est pas une affaire de vol d'argent de sa part, mais sincérement, c'est très très improbable...

Quand aux anciens dont tu fais les louanges dans ton article, il faut savoir que l'association n'ayant pas de buts lucratifs, menez des expériences dans trois zones permet d'avoir un retour sur expérience beaucoup plus important que dans une seule et en plus, ca limite les risques globalement, quitte à devoir te déplacer plus (parce que à part quelques trajets, je ne vois pas d'autres "couts structurels ultra-violents"... mais je mettrais ca sur le compte de la classique exagération Guillaume Viraguienne...).
Qui plus est, le Guatemala est globalement une zone d'insécurité et les véritables zones d'insécurité sont bien davantage les grosses villes que les régions mayas qui sont pour le coup beaucoup plus sûrs et surtout avec une organisation centralisée qui permet un suivi de projets beaucoup plus simple ( de toutes facons, un projet n'aurait pas pu voir le jour ailleurs sans une présence sur place à l'année donc le problème est vite réglé sachant que la seule structure que nous avions sur place correspond au réseau de connaissance de Miguel...).

Et dernièrement, je n'ai pas connaissance de projet de microcrédit qui ont échoué dans ces zones puisque très peu d'instituts s'aventurent hors des grandes villes...

Finalement, le seul point qui tient est la densité de population mais là encore, la restriction au réseau de Miguel a imposé les zones possibles.

Ceci étant dit, vous avez raison d'aller voir sur place ce qui se passe et encore et toujours, prenez miguel avec des pincettes... Notre passage al desengaño a été beaucoup plus convaicant qu'à Uspantan, donc j'espère vraiment que c'est juste un léger problème.

Bonne marche en montagne, le paysage est magnifique alors faites-vous plaisir ! J'espère que vous aurez quand même droit à une petite rincée :)

guillaume.virag a dit…

T inquiete, j en rajoute effectivement.

En fait, l implantation n est pas si mal, meme tres bien et permet un retour d experience effectivement tres bon.

Non, c est juste que j etais surpris de trouver sur l ordinateur bcp de plans comme je les aime de la part de Loïc.

Et en fait tous nos defauts deviennent de grosses qualites : Nous allons devenir des specialistes du prêt agricole, au moment ou toutes les imfs se tournent specialement sur le monde agricole, et en plus on devient specialiste des gens dans tres pauvres qui vivent dans des zones recules.

En vrai, c est donc niquel, mais c est jste qu on est tres loin de ce qui etait prevu, pour le mieux.