Arrivée de Sylvain

Vendredi 15 Août 2008


A 6h : réveil. Bon, il serait agréable que Miguel se réveille pour que l’on puisse aller chercher sylvain. En attendant, je poursuis la rédaction du journal et de mon rapport que j’ai un peu de mal à finir. A 7h, Miguel se décide enfin à émerger. Je ne sais pourquoi, mais il se lève toujours très tôt sauf les jours où il le faudrait. Enfin, ensuite comme nous n’avons que deux heures de retard, nous déjeunons et lavons la voiture. A 8h nous partons enfin chercher Sylvain. Heureusement, je l’avais prévenu qu’il attendrait quelques heures, et quand j’arrive à l’aéroport, il n’est pas trop malheureux, juste content de me voir. Lui est très bronzé de son périple en vélo sur la route 66. Quelques 3000Kms en un mois, il faut les faire quand même. Enfin très heureux de son aventure, il est tout à fait prêt pour en vivre une autre. Quelques jours de repos suffiront. Ce n’est pas comme si on démarrait directement par un programme léger d’analyses de demandes, d’écriture de contrats, de distribution dans les deux prochains jours.
Aujourd’hui il pleut beaucoup, on ne peut donc pas aller sur internet. Nous irons demain. En attendant nous parlons beaucoup à la fois en ce qui me concerne pour lui expliquer la situation ici et à la fois lui pour me raconter son voyage tout aussi exotique. Petit à petit nous rentrons dans le travail et je lui explique la situation que ce soit avec José et Joaquim ou avec Miguel. Le monsieur remet en cause certaines de mes décisions ou alors la pertinence de notre travail avec certaines personnes. Il a assez raison, étant donné que le règlement de la situation à Quiché n’est pas tout à fait exemplaire et qu’il est aussi lié à une volonté de ne pas totalement brusquer Joaquim dont j’ai quand même remis en cause une grande part du travail.
Enfin, nous commençons à analyser les demandes de Chicaman, et là Sylvain comprend la difficulté. Temps d’analyse : quelques minutes, temps de décision : quelques secondes. Tout va très vite, et le manque de directives nous laisse très libre devant des situations très diverses et à des kilomètres de ce que l’on attend. Très libre, c'est-à-dire avec beaucoup de possibilités à analyser et donc beaucoup plus de travail. Arrivé avec quelques idées de ce que l’on voulait faire, il nous faudrait construire toute une politique de développement en quelques minutes. D’où mes décisions de commencer très petit même avec des gens plus riches, nous les bloquerons où les ferons évoluer au prochain évènement. Ces anté-prêts ont le mérite de nous laisser du temps et des bonnes possibilités de développement, tout en faisant passer un premier test de responsabilité et de sérieux aux gens et en les habituant à nos méthodes de travail.
Enfin, la situation à Chicaman est bien différente. Nous commençons l’analyse des demandes par l’aldea Puente Seco de Chicaman. Dans cette aldea nous avons quatre groupes où quasiment tous les membres font partie de la même famille. Nous prêtons ici aux maris et femmes au sein d’un même groupe pour des projets par forcément très intéressant ni pour eux, ni pour nous. Forcément, cela déroute. Mais en vrai, je suis presque sûr que nous avons là certaines de nos meilleures sollicitudes. Je pense que c’est à la lumière des différences de sommes accordées que les gens jugeront de notre fonctionnement. Et ce qui est agréable, c’est que nous pourrons faire des différences : nous accorderons certainement plus de trois sommes ici, de 500 à 1500Qz. Et les plus riches n’auront pas forcément le plus d’argent. Deux ou trois demandes sortent du lot, dont une pour une augmentation de fonds dans une tienda, certainement le seul projet pour lequel nous accorderons 1500Qz. Là où nous devrons faire preuve de stratégie, c’est dans la gestion des groupes qui ont bien remboursé et qui nous présentent des demandes sans intérêt et trop grandes pour eux. Un couple nous a demandé 3000Qz, ce qui signifie des remboursements de plus de 200Qz / mois alors qu’il n’ont que 450Qz par mois de revenus. Ont-ils envie de mourir ? Je ne comprends parfois vraiment pas les gens ici. Enfin si, je comprends juste qu’ils n’ont absolument pas pensé aux remboursements.
Je ne voudrais quand même pas cacher que si cela est difficile, c’est également l’occasion de grands moments. On a un peu honte de rigoler sur des différences culturelles ou pire, sociales, mais parfois c’est dur de se retenir. « Je vais acheter des vaches. Et ce projet va marcher parce que je sais que ça marche », « les coûts c’est quand je vais acheter la vache, les revenus quand je vais la vendre », « j’achète les animaux, je les revends et c’est là que je gagne de l’argent. Alors c’est pour cela que mon projet va fonctionner », « s’il y a un problème avec les animaux, j’en parle avec des animaux ». La vérité c’est qu’on voit à la fois que la complexité des sollicitudes a engendré deux choses. De l’incompréhension sur certaines questions, clairement. La question « De quels montants sont cos coûts et revenus. Quand ont-ils lieu ? » a eu très peu de succès. La deuxième chose, et c’est cela que l’on veut, c’est que les gens se sont rendus comptes de quelques points importants. A la question « En cas de problèmes, maladies de vos animaux, comment réagirez-vous ? Connaissez-vous un vétérinaire ou un ingénieur agronome ? » a obtenue de façon régulière la réponse non écrite mais pourtant claire sur le papier : « euh, ah oui, sisisisisi je connais un vétérinaire, un bon en plus ». On a eu un nombre très fort de recopiage des questions à l’affirmative pour cette question. Si cela peut paraître inutile, c’est en fait très avantageux. Cela nous permet en un coup d’œil de juger de la connaissance des gens de leur projet et de leur mentalité. La gagnante du prix à 1500Qz a répondu à cette question cette chose sublime « Avant d’avoir un problème, j’analyse mes doutes avec logique et en parle avec les membres de mon groupe. Si malgré tout survient un problème, je l’analyse de la même façon, avec la même logique, et le résout ». Croyez-moi, cette réponse est celle d’une extra-terrestre ici, à tel point qu’on a du mal à la lire la première fois. Le deuxième grand avantage de cette question, c’est que dans beaucoup de cas, ça doit être la première fois que beaucoup de gens se la posent.
Après avoir lu la demande de cette femme qui gagne un peu plus que la moyenne, nous ne pouvons nous empêcher de partager cette idée : il est peu surprenant que les plus riches correspondent aux demandes les plus sérieuses. Aux plus pauvres, ce n’est pas juste un prêt qu’il faut faire, c’est une éducation qu’il faut donner. Il est un peu triste que nous allons accorder malgré tout plus d’argents aux plus riches car ils ont les meilleures demandes, mais la vérité est que nous tuerions tous nos efforts en prêtant trop d’argents aux plus pauvres. Nous assumons nos conclusions et jurons de prendre le temps de faire comprendre petit à petit à tous ce que nous attendons précisément d’eux, ce qui leur permettra de sortir de leur condition actuelle.

Comme tout cela a pris beaucoup temps, il est déjà l’heure de manger et d’aller dormir. Nous avons déjà rendez-vous avec Eliseth et tous les groupes de chicaman dimanche à 8h du matin. Il faut être motivé pour travailler avec nous ! Enfin, nous aurons aussi besoin de motivation et détermination demain. Il nous reste encore quatre groupes à analyser, le contrat d’Eliseth à écrire et le contrat des personnes à revoir. Nous partons à 7h du matin, direction Quiché. Dans la journée nous devrons également parler avec Don Pedro, retirer de l’argent, imprimer les contrats. Je ne sais pourquoi, mais je sens que cette journée va manquer d’heures. Bonne nuit donc.

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