Comptes à vérifier et à régler

Mercredi 30 juillet

Deux jours sans écrire ! Scandale ! Disons que ça a permis aux gens qui avaient un peu de retard de le récupérer. La vérité c’est que j’ai passé ces trois jours à rendre compte par écrit de ce que l’on avait pu voir la semaine dernière. Par conséquent, j’avais pas trop le cœur à me remettre devant l’ordinateur le soir en rentrant.
Or, ce ne sont pas les aventures qui ont manquées ! Certes, je ne suis plus dans le paysage inconnu mais kaléidoscopique de la semaine dernière mais il n’empêche. Lundi et Mardi : échec de faire travailler Miguel, j’ai donc patiemment rédigé toutes les analyses des divers lieux où l’on s’était rendu ainsi que traduit par écrit la quantité non négligeable d’informations que l’on avait pu recevoir. Si vous les voulez, vous devez me le dire par mail ou par commentaire. En ces temps estivaux où les gens découvrent leur boîte mail pleine après une semaine de vacances, j’ai évité de surcharger le tout.


La bonne nouvelle, c’est que l’on était quand même beaucoup plus pro à la fin qu’au début. Alors que pour Ixtahuacan, on a très peu d’informations, pour El Desengaño, on en est presque surchargé. Les tendances globales, que j’ai d’ailleurs commencé à rassembler dans un autre document d’analyse globale du projet consistent en quelques remarques du type : il serait intéressant que les prêteurs fassent attention à investir dans des projets diversifiés avec au moins une partie du projet qui fournit des revenus réguliers. Ceci pour éviter les gens qui nous ont fait presque pleurer quand ils nous ont dit qu’ils n’avaient aucun revenus en hiver et que leur projet ne leur avait toujours pas fournis de revenus. Ou cette autre dame qui a perdu environ 20€ sur 50 prêtés parce que ses poules étaient toutes mortes. Ensuite on a insisté encore et encore sur la nécessité de payer mensuellement en proposant aux gens de nous rembourser directement et de fournir les numéros de reçus aux responsables locaux, ce qui peut se faire par téléphone, pour éviter les frais de déplacement, sachant que notre banque, la Banrural, est présente partout dans le Quiché.
Comme Miguel avait beaucoup à faire lundi et mardi, nous ne nous sommes quasiment pas vus, sauf dans les bus qui d’ailleurs étaient encore plus colorés que d’habitude en raison de la fête des conducteurs mardi : ils s’étaient habillés de ballons et de guirlandes de toutes les couleurs. Du coup, j’ai mangé en regardant des analyses d’instituts de microfinance. L’un d’entre eux disaient que l’institut était vulnérable financièrement parce qu’il avait ses comptes en dollars et ses prêts en monnaie locale. Ca m’a rappelé la situation d’un autre institut qui lui avait ses comptes en euros et ses prêts en quetzals … Un petit exemple que je donnai par mail à Soline : l’année dernière nos prêts représentaient 4100€ c'est-à-dire 41 000Qz, avec les intérêts nous devrions en obtenir environ 45000 qui valent aujourd’hui … 3900€ environ d’après mes calculs. Autant dire que les intérêts ne servent à rien … Si quelqu’un sait combien ça coûte de repasser les remboursements en euros le plus vite possible, je lui prie de nous le communiquer !


Mercredi fut un autre jour, de ceux dont on ressent l’ivresse du pilote qui tourne la clé dans son bolide. Je me levai tranquillement d’une douche ressentie comme toujours moins froide que le jour précédent. Après une matinée à finir de traduire en espagnol mes analyses pour les envoyer aux responsables de communauté, Miguel arrive au bureau, en ayant presque rien à faire, et les relevés du compte en main. Bon on va pouvoir parler de choses sérieuses ! Je profite qu’il vienne me montrer les comptes pour lui faire faire quasiment tout ce que je voulais lui faire faire. Nous commençons par appeler José, notre futur autre responsable sur place, qui me recevra samedi. Je repars donc avec son neveu, i.e gratuitement, dans le Quiché vendredi. Juste le temps de presque finir ce que j’avais à écrire, et c’est reparti pour le Quiché, quand même beaucoup plus rigolo que cette triste grande ville polluée qu’est Guatemala Ciudad.
Dans le même rythme on analyse les comptes. Ce qui est assez dur, vu que les gens nous déposent de l’argent en liquide, impossible de savoir qui a déposé. Sauf qu’il y a indiqué le n° de la banque où ils ont déposé. Au bout de 10 min et quelques déductions avec les quelques reçus qu’on a, on sait exactement qui a déposé quoi. Petit détail, notre ami Miguel qui est ultra sérieux dans sa gestion n’a bien sûr pas de relevé de comptes qui date d’avant janvier parce que les banques ne peuvent pas ici donner les mouvements avant janvier de cette année. Arturo nous sauve, il nous fourni un reçu de novembre, et avec le montant du solde initial, j’arrive même à déduire ce qui s’est passé avant sur le compte. Bon nous savons exactement qui a remboursé quoi depuis le début. Parfait ! Euh au fait Miguel, c’est quoi le paiement par chèque de 2500Qz en novembre ? Honnêtement, je manque d’éclater de rire en voyant Miguel regarder à trois fois le relevé du compte et m’expliquer enfin. « Ah ça, je suis payé à la fin du mois, je te rembourse ». Bon, je n’insiste pas, je ne crois pas que ça servirait et nous avons d’autres choses à faire.
Bilan des comptes : Don Pedro, on avait ses reçus, donc aucun problème, il nous doit juste nous rembourser la fin, i.e 9000Q en 1 mois et honnêtement j’ai quelques doutes. Cristobal me rassure très fortement : ses dépôts sont ultra-niquels jusqu’à février, avec pile la bonne somme au bon moment. Le problème là-bas, c’est à mon avis simplement qu’il n’a pas su réagir quand un membre de son groupe a pris une balle et s’est fait exclure du village, ce qui se conçoit. Et pour Ixtahuacan, je suis un peu déçu car par rapport à ce qu’ils m’avaient annoncé il manque 2500Qz (sur 14000) et leurs virements sont chaotiques, il est impossible de comprendre pourquoi ils ont déposés telles sommes à tel moment. Enfin, notre niveau de compréhension et d’informations sur ce qui s’est passé l’année dernière finit par atteindre des sommets. J’en profite pour signaler à Miguel que nous irons voir sa banque pour demander un accès internet au compte, comme ça nous n’aurons plus besoin de nous déplacer pour voir les comptes. Etant donné sa tête, il a très bien compris que c’était pour nous permettre de contrôler le compte à partir de France, ou alors il ne sait pas que c’est possible. Il demande à Arturo si c’est comme pour la banque industrial, oui ? Parfait, pourquoi pas. Mon faux argument du « vous n’aurez pas besoin de vous déplacer » suffira.


Nous relisons ensuite les évaluations en espagnol de El Desengaño et Ixtahuacan. Nous n’en ferons pas pour Chicaman, car on ne retravaillera pas avec Don Pedro donc il n’est pas besoin de lui fournir ceci. Surtout que ça ne l’encouragera pas trop à rembourser. Miguel me fait ajouter que le personnel de Concodig a droit de contrôle sur les projets mais ne réagit pas trop sur les passages des évaluations où je dis qu’il faut plus de responsabilités aux personnels locaux. Je ne sais pas s’il sent que l’on met clairement en place un moyen de le contourner et qu’on limite son rôle à notre seul accueil en été et à un contrôle au bout de 6 mois, mais en tout cas il ne réagit pas. Sauf à un endroit, où je dis qu’il faudrait rémunérer les responsables locaux. Il me fait enlever cela, car alors tous voudraient être rémunérés. C’est peut-être vrai, de toute façon, nous pouvons encore attendre un an avant de mettre en place cela, la charge de travail pour les responsables locaux étant seulement de quelques heures par mois actuellement.


Bon, satisfaisante journée ! Il ne me reste plus qu’à faire l’évaluation du travail de Concodig cette année, ce qui, il est vrai, sera un gros morceau pour demain, si j’arrive à la caser demain. Nous rentrons par un petit magasin bourré de sacs et porte-monnaie mayas avec écrit Guatemala dessus. J’aimerais tellement qu’on puisse faire les mêmes avec marqués X-MicroFinance au lieu de Guatemala ! En attendant, si des gens veulent quelques petites choses guatémaltèques, il faut qu’ils nous le fassent savoir avant que l’on parte. De toute façon, je pense que j’en achèterai en plus, pour en donner aux gens de l’association et à nos partenaires.Nous retournons ensuite chez lui où enfin je vois ses fils travailler. C’est de la logique, des passages de nombres en écriture décimale à binaire ou inversement, quelques tables de vérité, un peu de comptabilité aussi. Bien sûr je me fais une joie de les aider après au moins un mois sans mathématiques. Ils ne sont pas mauvais, mais à vingt ans, ils ont le même manque de rigueur que je reprochais à des élèves de première cette année, et sur des problèmes moins compliqués. Sur une feuille de comptabilité qui doit contenir une vingtaine de lignes, je relève trois erreurs. Ce n’est pas très grave, à vrai dire, ça me fait très plaisir de les voir enfin étudier. Après un bon repas, nous allons nous coucher et j’en profite pour finir un sublime livre de Proust, cause de ma récente baisse en intensité dans l’écriture. Une petite phrase sur « le masque d’uniformité que constitue la nouveauté » me fera comprendre qu’il faut ici que j’exerce encore beaucoup mon regard pour mieux comprendre la situation et régler les quelques problèmes qu’il nous reste.

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