Ernesto le radin

Mardi 5 Août 2008

Je ne sais ce qui se passe dehors, mais je suis bruyamment réveillé à 5h du matin. Un bruit tel que je crois que l’hôtel est attaqué et que j’en sors de mon lit avec ma couverture pour voir ce qui se passe. Ca a l’air de se passer dans la rue, bon j’essaye de retourner dormir. J’apprendrais plus tard que ce sont les étudiants qui se levant tôt font un bruit hallucinant en allant à l’école. A 7h je me réveille à nouveau et pour prendre une revanche sur la veille, je vais prendre un bain. Mais bon le matin, ça a beaucoup moins de valeur, je change ça en douche et vais prendre un petit déjeuner en préparant mon discours. Je profite d’être d’en un hôtel sympathique pour prendre un petit déjeuner à l’occidental. Première fois que je mange de la confiture depuis trois semaines, c’est agréable. Ernesto arrive. Il m’emmène dans son magasin où il travaille le cuir, m’explique longuement son besoin en prêt même après que je lui ai dit qu’on examinerait bien sûr sa demande. On finit par arriver sur le lieu de la réunion, à l’heure, c'est-à-dire avec 45min d’avance sur le début réel de la réunion. Je briefe Ernesto en attendant et comprend alors que l’acolyte que j’avais vu la dernière fois ne serait pas seulement une aide, mais le responsable pour une bonne partie des projets. Ce monsieur s’appelle Fernando. Je le mes donc également au parfum. Bien sûr, c’est la deuxième fois que je leur explique mais ils semblent découvrir ce que je leur dis.
La réunion finit par commencer. Je me présente et nous présente également, puis le projet. Les gens ont ici l’air de comprendre ce que je leur explique. Je fais souvent des poses pour qu’ils puissent poser des questions en Quiché et même parler entre eux pour s’expliquer mutuellement ce que j’ai dit. Les questions posées semblent nécessiter une compréhension de ce que j’ai dit, c’est plutôt bon signe. J’insiste autant que je peux sur la nécessité d’être sérieux et responsable, leur donne des exemples de réussite, des exemples de problèmes rencontrés. J’oublie néanmoins une chose importante, leur dire de ne pas former les groupes qu’avec des membres de leur famille. Snif, ça va se ressentir. Enfin ici il y aura dix-huit groupes, ça fera toujours un critère de sélection. L’un d’entre eux me dit qu’il veut aller plus vite avec le processus d’augmentation des prêts et tout rembourser en six mois. Ma réponse finale sera pourquoi pas, nous verrons ce que nous pourrons faire. On verra les demandes, mais au vu des questions qu’ont posés les gens ici, ils semblent avoir compris une partie du message. Sauf que comme d’habitude je suis désagréablement sur pris par le fait qu’ils croient tous que 500Qz c’est rien et demandent des prêts plus gros. Forcément si les autres associations ou banques font directement des prêts de 2000Qz, on n’est pas sorti d’affaires. Alors, à renfort d’exemple, je leur explique que ce n’est pas rien de rembourser 46Qz par mois et qu’il faut beaucoup penser au projet.
Enfin nous finissons par distribuer les demandes, bien sûr je n’en avais pas prévu assez, petit joueur la veille quand je demandai 50 photocopies seulement. Je vais en photocopier 50 autres. Nous aurons beaucoup de demandes cette année, mais de toute façon ma politique est claire : pour tous les responsables avec lesquels nous commençons, ce sera quelques groupes. Là je sais pertinemment que sur les 18 groupes, nous en accepterons au plus la moitié. Enfin, il commence à se poser sévèrement la question du transfert d’argent aux comptes de Miguel et José, et la solution actuelle des 7€ de frais/172€ de retirés, i.e 2000Qz a quelque chose de très déplaisant.
Au milieu de la réunion, nous recevons une visite inattendue : Marcos. Il séjournait dernièrement à la Zona Reina, un village au temps d’accès démesuré et où j’ai refusé ne serait-ce que d’envisager y aller proposer des prêts, lorsque Miguel me l’a proposé. El Desengaño suffit comme projet inaccessible en voiture. Nous discutons à la fin de la réunion de ma discussion avec Cristobal hier. Marcos est clairement d’accord avec moi, Armando abuse et Chicaman et El Desengaño sont des gouffres à projets. Nous dénombrons les projets à El Desengaño : en trois ans, il y en a eu 10 ! Horticulture, artisanat, semences de haricots, champignons, arbres fruitiers, institut scolaire, tout y est passé. Sur les 10, 5 sont déjà hors d’état de produire quoi que ce soit, 3 sont en voie de mourir, un, le projet de champignon me paraît carrément stupide et le dernier, c’est le microcrédit. Je veux bien que Miguel soit responsable du problème des arbres fruitiers, mais qu’on arrête quand même de me dire que Cristobal est un bon leader. Avant-hier les françaises me l’ont dit : l’institut est tellement mal géré, que le niveau y est désespérant. Mais nous sommes d’accord pour dire qu’Armando lance beaucoup de projets sans attendre le résultat des précédents. Il faudra que je lui parle en rentrant. J’en profite quand même pour dire à Marcos que Concodig a fait beaucoup d’erreurs dans la gestion de certains projets et qu’il vaudrait mieux se concentrer sur le travail d’exhumations au lieu de financer n’importe quoi. Hier, je discutais avec Eliseth qui me disait qu’elle n’était pas payée pour son travail pour Concodig. Bilan : Miguel est sensé s’occuper de Concodig, Cristobal de l’institut scolaire, et les deux gèrent à la va vite cela pour s’occuper des projets d’Armando, qu’ils ne savent pas refuser.

Marcos était seulement de passage et doit retourner à Huehuetenango, je le quitte donc pour rejoindre Ernesto à son atelier. Je vais manger avec Ernesto où je continue à me répéter sur le sérieux et le caractère responsable que nous exigerons des responsables. Plus trop de pudeur dans mon discours : nous jugerons les responsables de communauté encore plus sévèrement que les clients. Si nous arrêtons nos projets à un endroit, ce sera leur faute, et nous ne travaillerons plus avec eux. A l’inverse s’ils sont sérieux, nous pourrons développer le projet dans les communautés. Comme je n’ai pas assez de change et que la patronne n’a pas de monnaie, le responsable paye sa part et même un peu plus. A la limite, je trouverai presque normal que les gens nous invitent de temps à autre, signe de la reconnaissance qu’il nous portent pour venir s’intéresser à leurs villages perdus dans un autre monde.

Nous prenons un tuk-tuk pour aller dans son aldea. Toujours aussi rigolo l’animal. Comme nous arrivons avec 15 minutes d’avance sur la réunion, nous attendons 1h15. Autant le matin, je me trouvais plutôt bon, autant cet après-midi, ayant déjà vidé mes piles, ma patience a ses limites. En plus, j’aime à moitié ce responsable. Il fait quand même sérieux, mais c’est le genre d’ami que je n’aurais pas. A toujours surveiller si il ne va pas perdre quelques sous. En plus, personne ne comprenant un mot d’espagnol, il doit me traduire, et de ce que je comprends, puisque dans ses traductions il y a toujours quelques mots en espagnol, il traduit très mal quelques points d’importance, ce qui m’exaspère un peu. Je me répète donc plusieurs fois, mais ne suit pas sûr qu’ils aient perçus tous les points. Enfin, la réunion se termine, je laisse quelques sollicitudes que je sens que je n’hésiterai pas à refuser vu le responsable. Nous retournons à la ville en tuk-tuk ce qui rétablit mon état joyeux. Au moment de nous quitter, le monsieur me rappelle qu’il a payé 20Qz pour le déjeuner, ce que je lui rembourse. Ce mec, alors que je viens de France pour voir si je peux entre autre m’occuper de sa petite clique de famille et d’amis, me demande de payer son repas. J’hallucine un peu et lui remet deux versions du sermon sur le sérieux et le caractère responsable dont il devra faire preuve.

Dans la petite camionnette qui me ramène à Quiché, deux touristes américaines me permettent de me souvenir qu’il me faudra travailler sous peu ce langage. J’en profite pour comprendre que je n’ai rien vu de touristique au Guatemala, mais que pour elle ce voyage en camionnette à travers le Quiché constitue leur sortie du circuit touristique guatémaltèque. Peut-être pourrais-je prendre quelques jours pour aller quand même visiter un peu, mais je n’ai pas l’impression d’en avoir le temps. Il y a quand même des touristes dans ce pays, et même pas mal, il paraît. C’est juste qu’ils ne sont pas vraiment dans les zones que je visite.
Comme sortie touristique ce n’est pas trop mal : après Zacapula, un glissement de terrain nous oblige à descendre. Sous la pluie, nous traversons la boue qui a piégé quelques camions. De l’autre côté du glissement, nous prenons une autre camionnette qui nous mène à Quiché. Le tout nous aura retardé de deux heures, nous faisant arriver sous des trombes d’eau à Quiché où je les mène à un hôtel avant de rentrer chez José.

Là, je parle avec lui des projets, de Armando. Comme il est impliqué d’assez loin dans le projet de champignon, l’agronome suivant le projet, Gaspard, étant de sa famille, il défend cinq secondes l’affaire en disant qu’ils veulent créer un marché. Une petite explication s’impose alors : d’un côté Cristobal se plante sur un projet de semences de haricots, marché porteur, où les gens possèdent une expérience technique, de l’autre il veut me faire croire que ce dernier arrivera à ouvrir un marché sans expérience technique et avec un budget ridicule. José est finalement clairement avec moi, à tel point qu’il me reprend sur le fait que nous ne demandons pas de garantie. Mais notre garantie sera clairement la réussite de quelques projets dans les communautés. Quand les gens vont voir qu’une attitude sérieuse pèse dans la durée, ils vont peut-être arrêter d’essayer de nous arnaquer sur les sollicitudes et les remboursements. Et de toute façon, heureusement que l’on ne demande pas de garantie, ça nous permet de travailler avec les plus pauvres et les moins éduqués. Mais effectivement, il faudra beaucoup insister pendant les discours sur le sérieux nécessaire à chaque projet.

Je me couche, pas mécontent de ma très longue journée, et visionne les vidéos de la journée. J’avais demandé à un responsable de me prendre en vidéo le matin pendant la réunion. Bien sûr celui-ci a pris les premières minutes, c'est-à-dire les plus mauvaises, que par honnêteté intellectuelle je publierai quand même. Ce qui m’énerve beaucoup, car me voir bouger beaucoup trop les mains et dire trop de euuuuuuhhh est très désagréable. Et comme le son est mauvais, on ne voit que ça. Enfin, je ferai attention demain. J’essaye de commencer à écrire, mais deux jeunes filles m’en empêchent m’enrôlant de force dans leurs jeux dont je ne peux m’échapper qu’une demi-heure plus tard. Comme il est très tard je vais me coucher en écrivant peu. La qualité de mes souvenirs le lendemain sera moins bonne, mais bon, je ne peux plus retenir mes paupières.

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