Le maire de Cunen

Samedi 23 Août

Sylvain se lève avant moi et étudie un peu plus les sollicitudes d’Uspantan. A mon réveil, je rédige les quelques journées passées, ce qui me prend, en comptant le petit déjeuner, toute la matinée. Apparemment, nous allons avoir quelques problèmes pour sélectionner tout cela. Enfin, nous verrons bien ce qu’il en sera. Vers une heure, nous partons pour Sacapula qui est sur la route de Cunen.

En route, je reviens sur la future gestion du cas Joaquin. J’ai assez bien compris ces derniers temps qu’il serait assez technique que ce monsieur reste travailler avec nous et demande à José la proposition qu’il lui fera. Apparemment José qui avait prévu que l’on prenne une grande partie des coûts pensait combler de seulement 500Qz le salaire. Il est prêt à monter jusqu’à 1000Qz mais au-dessus, les revenus de son association ne pourront pas suffire. Comme j’avais dit qu’en aucun cas, nous ne pourrions aller au-delà de 1500Qz et que c’était déjà beaucoup pour nous, cela ferait 2500Qz de salaire, ce qui est environ 1000 en dessous de ce que Joaquin peut espérer ailleurs. De toute façon, j’avais dit que nous serons prêt à aller jusqu’à 1500Qz au cas où eux mettraient la même somme en jeu voire plus. Là, nous préparons donc mutuellement le terrain à un abaissement drastique de coûts. Je propose que pour un timing mieux géré, nous travaillions avec un étudiant en travail social, les études de Joaquin et José, qui soit en dernière année. Ainsi nous pourrions le payer pour un temps partiel et pas trop cher durant l’année et lui proposer un travail à la fin de l’année, ce qui serait adapté au rythme des augmentations de nos revenus. José semble assez d’accord avec ce point de vue et m’explique les raisons du recrutement de Joaquin, pour expliquer l’inadéquation entre son salaire et nos possibilités. L’idée, toujours la même, c’est qu’Armando avait un tantinet grossi nos revenus. Nous avions dit que nous étions prêts à payer 4000 pour les deux premiers mois puis 1000 par mois, cela s’est transformé en 2000Qz par mois. De toute façon, Joaquin l’a assuré qu’il formerait le prochain si lui ne restait pas à travailler avec nous.

Nous déjeunons à Sacapula dans un très bon comedor que connaît José car il a beaucoup travaillé ici. A Cunen, nous allons directement voir le maire. Ce dernier a été un travailleur social que connaît bien José avant d’être élu. Comme Cunen est une ville de plus de 30 000 habitants, cela nous laisse quelques perspectives de développement dans la région. En plus, d’après José, le maire est assez-bon et comprend bien que nous ne serons pas là pour faire de la politique. Tout cela semble assez parfait. Nous partons donc pour Cunen, après avoir lutté pour finir nos plats ; lutte gagnée par Sylvain, mais perdue par moi. Là-bas, nous allons donc attendre à la mairie où nous rencontrons le seul travailleur social aujourd’hui employé par la ville. Il s’occupe d’une antenne d’une université au Costa Rica, qui, il paraît, est le pays riche de la région. Quelques deux heures d’attentes plus tard, le maire ayant été retenu par des problèmes de communautés, nous le voyons arriver. Pendant ce temps, j’avais également essayé de me faire expliquer par José le concept de communauté, mais cela a beaucoup confirmé mes doutes. Apparemment il y a un découpement administratif en dessous de l’aldea qui s’appelle le pareje. Et les communautés correspondraient assez souvent avec ce découpement. C’est donc une sorte de nom pour dire que des personnes vivent à peu près au même endroit. Ensuite la consistance de la communauté est, comme je l’avais déjà suggéré, très reliée à son histoire et à ses responsables. Le développement communautaire ici est donc une notion plutôt éloignée de ce qu’on pourrait imaginer en France. Ca consisterait à dire qu’on va aider tous les individus d’un endroit, mais sans même aucune condition de travail ensemble. Conclusion, tout ce qui a trait au vocabulaire de la communauté au Guatemala doit être pris avec de grandes pincettes.

Nous débutons notre réunion avec le maire. Il s’excuse son habillement en maillot de l’Italie, l’expliquant par la nécessité de travailler dans les aldeas. Il nous remercie ensuite et nous présente la situation locale. Après cela, je présente notre projet, beaucoup trop longuement de l’avis de Sylvain. Enfin, nous comprenons que ce monsieur pourra non seulement nous diriger vers les bonnes personnes pour initier notre projet à Cunen, mais également nous être utile dans la suite du développement du projet. Pour une fois, je n’exagère ni nos possibilités, ni notre rythme de croissance, nous laissant du temps. Je répète plusieurs fois que nous devons d’abord comprendre la situation des gens ici avant d’augmenter notre investissement à Cunen. Lui, en revanche, nous fait une démonstration de ses possibilités, que nous entendons et notons. Pour être clair, comme il y a des réunions avec tous les maires de la région, une fois que nous aurons développé Cunen, le démarrage de notre activité dans les autres villes ne devrait pas poser de problèmes majeurs. Par ailleurs, dans le flou pour notre politique de prêt, nous insistons sur notre point fort, travailler avec les gens très pauvres des aldeas, pour ne pas se faire piéger comme à Uspantan par des projets trop bons, trop grands, trop tôt. Nous ne nous engageons qu’à démarrer une activité dans trois mois avec quatre ou cinq groupes à 500Qz. Le projet dans ma tête est ridiculement petit face aux possibilités de développement que nous laisse le maire, mais je me force à le présenter comme il est, sans exagérations, et en prenant nos capacités dans trois mois les plus faibles dans nos prévisions. Nous débuterons donc lentement mais sûrement ici avec un maire au courant de nos activités et qui pourra nous appuyer à tout moment. Le bilan de la réunion n’est pas si mauvais.

Avant de partir, il nous explique que de toute façon, à part le projet d’université, la ville coordonne surtout des projets plus qu’elle n’en supporte. En effet, le budget pour 30 000 habitants est de l’ordre de 700 000 euros, et son prédécesseur lui a laissé 500 000€ de dettes… Sur la route du retour, José nous dira qu’il connaît d’autres maires, mais qu’on lui a conseillé parfois de ne pas passer par eux, tant l’on risquerait de se faire récupérer par des enjeux électoraux. Cela m’enchante grandement que l’on puisse naviguer dans les eaux de la politique des élus locaux avec un tel gouvernail. Nous pourrons profiter des réseaux certainement les plus développés du Guatemala, que sont les associations et les politiques, sans prendre trop de danger. D’ailleurs à Cunen, nous devrions commencer par travailler, comme à Chicaman avec une responsable de groupes de femmes qui travaille également avec plus de 300 femmes. L’année passée, le pourcentage de femmes était de 50%, nous monterons à plus de 65% cette année et n’aurons donc aucun mal à faire progresser ce taux. Ici elles sont en fait souvent très organisées et il suffit de connaître les responsables.

Nous quittons José pour le café internet. Finalement nous ne pourrons aller voir demain les responsables de Sacapula, et il semble que ce sera difficile de les voir avant notre départ. C’est dommage, j’aimerais que tous les gens qui travaillent avec nous, nous voient au moins une fois avant d’initier quoi que ce soit, tant ces deux années, nous avons eu des problèmes d’incompréhensions lorsqu’il s’agissait de travaux commençants. Sylvain est fatigué et a très mal à la tête. Avant d’aller se coucher, il me dira qu’il est quand même dommage que nous ne puissions travailler avec Joaquin. Certes, mais si l’on peut diminuer par trois nos coûts durant l’année prochaine, ça sera avec plaisir. Pour ma part, je reprends avec un peu plus de sérieux mes activités d’écriture où j’avais pris du retard. Si vous regardez attentivement, nous faisons en moyenne 4h de transport par jours depuis mercredi, et ça fatigue un tantinet. Du coup le soir, on est moins sérieux. Mais comme je réalise aujourd’hui qu’il ne me reste plus qu’une semaine ici et que l’on est loin d’avoir terminé le travail, je me remets au travail.

5 commentaires:

nicolasmeunier a dit…

Waaaaaaf, 10 jours de vacances et me voilà avec 2 bonnes heures de lecture en retard...
Ca y est, je suis à jour ! Je vois que tout roule et que vous allez devoir faire un bon gros tri dans les sollicitudes. Comme souvent dans ce cas, vous allez fixer un nombre de critères et finir par faire des choix arbitraires mais qui auront l'air justifiés ;) C'est ça la vraie vie.

En tout cas, c'est vraiment bien de pouvoir rencontrer tous ces gens, vous comblez progressivement toutes les lacunes du projet tel qu'il a été lancé l'an dernier. L'avenir nous dira leurs sérieux.

Quand est-ce que tu rentres en France Guillaume ?

Bref, bravo à vous, et merci de nous tenir au courant aussi précisément.

Besooooos.

guillaume.virag a dit…

Après quelques cinq heures d'analyses de sollicitudes, ta description me semble très juste :) . Pour nous le plus difficile, c'est qu'on va refuser à certains endroits des sollicitudes qui auraient été les meilleures à d'autres endroits.

Pour les lacunes, on en comble quelques unes, mais on en découvre beaucoup. Enfin, on va encore beaucoup galérer pendant quelques temps, mais ça devrait s'améliorer petit à petit.

Je rentre le 3 à l'x, donc si tu crèches encore là-bas ... :)

nicolasmeunier a dit…

Malheureusement, je décolle le 4 au matin donc je ne serai pas à l'X...
Pour les sollicitudes, dèsfois, tu peux croire qu'elles sont mieux à un endroit qu'à un autre, mais ça peut être parce que le seul mec du coin qui sait écrire sait mieux le faire que celui de l'autre village ;)
Si c'est niveau originalité des projets, dans ce cas, c'est un peu dommage mais bon, faut bien faire des choix... et récupérer plus de sous pour l'an prochain ;)

Bonne distribution !

Manon a dit…

Pareil pour moi, un petit tour de Hongrie et me voilà submergée de nouvelles !
Je vous admire de travailler autant et je prend toujours autant de plaisir à lire votre roman de l'été.
Dommage pour les problèmes d'argent et les choix difficiles, ca promet encore une énooorme quantité de travail, en France et au Guatemala, mais on gagne beaucoup en expérience, et chaque année ce sera mieux.

Bisous

guillaume.virag a dit…

Le coup du seul mec qui sait écrire, on l'a assez bien vu aussi. Mais on l'a parfois encouragé et contrôlé en demandant aux respos locaux de prendre du temps pour aider les gens à faire leur sollicitude.

Non, mais parfois l'originalité des projets est ouf et on refuse. On vient de prendre la décision difficile de refuser un groupe salon de beauté-petit restaurant-magasin de vêtement pour enfants-fabrique d'objets en alu. L'idée c'est que ces gens sont quand même riches. Alors c'est du développement mais pas dirigé vers les pauvres. Comme on a pas trop défini l'affaire encore, on se retient. :)

Bises à tous, j'espère que la hongrie c'était ouf, j'ai prévu d'y aller sous peu, :)