Retour au calme

Lundi 11 Août

Un petit courriel de mon tuteur de stage qui est à la fois mon commandant de compagnie (les élèves de notre charmante école sont militaires pour quelques années, rappelons-le) me disait de faire attention parce que j’étais fatigué. L’analyse est très bonne, le conseil juste un peu tardif. En relisant mon compte rendu de la journée de samedi, j’ai seulement pu enlever quelques phrases choquantes mais comme je n’avais pas envie de réécrire la chose de bout en bout, j’ai fini par laisser tomber l’affaire. Le tout traduisait quand même une claire fatigue. Enfin, aujourd’hui à tête reposée, j’ai pu analyser à nouveau le travail effectué. Bien sûr les décisions prises à la va vite n’étaient pas les meilleures, mais quand même la situation n’était pas si dramatique. Enfin avant de revenir sur cette analyse, revenons à la journée de dimanche.

Je savais que je ne devais travailler que l’après-midi pour aller voir une communauté à Zacualpa. Mon grand problème est que dans une démarche volontaire, j’ai laissé à Guatemala Ciudad mes livres autres que celui de mathématique, décision que je regrette amèrement. J’ai de nombreuses maisons qui me permettent de me reposer : ma famille, mon école, mes amis, paris, le sud-ouest, l’auvergne, mes livres et un ordinateur avec internet. Après une rapide réflexion sur la possibilité de me sentir chez moi, j’allai me reposer au café internet. Dans un premier temps, j’ai fait ce que j’avais à faire sur Internet, c'est-à-dire appris que la situation du journalisme en France ne s’était pas améliorée, un enfant faisant une fugue prenant la même place dans les journaux que la guerre en Ossétie. Et dans un second temps, j’ai même joué un peu, ce qui m’arrive quand je n’ai pas beaucoup de force pour faire quoi que ce soit d’autre. Comme à midi, j’étais prévenu que Joaquim avait appelé et que la réunion de cet après-midi était annulée, je jouai même une bonne partie de l’après-midi.
Finalement, je n’ai pas fait grand-chose de cette journée, si ce n’est voir Joaquim qui me disait que la réunion n’avait effectivement pas pu avoir lieu, les gens ne pouvant pas se réunir dans l’après-midi et que par ailleurs quand il leur avait dit qu’ils ne pourraient emprunter plus de 500Qz, cela leur avait déplu et qu’ils voulaient donc plus du prêt. Soit. Avec un intérêt certain pour cette information, je retournai vaquer à mes occupations. Finalement j’allai dormir assez tôt pour me reposer beaucoup.

Aujourd’hui je me levai tout aussi tard pour parachever mon repos. Il me fallut bien une dizaine d’heures pour me réveiller, mais à 18h, j’étais assez réveillé. Avant cela, je m’attachai à la rédaction du prochain pavé que vont recevoir mes collaborateurs dans leur boîte aux lettres, le « Rapport sur la politique de l’institut de microfinance Maya Desarrollo de l’association X-Microfinance ». Deux buts à cela, formaliser enfin nos critères de sélection de prêt pour cette année, mettre un peu d’ordre dans mes pensées et dans ce qu’il est important de dire aux nouveaux clients et à nos partenaires, poser une base bien cimentée pour une réflexion future. Bien évidemment l’analyse de tous les problèmes que j’ai pu rencontrer dans les derniers jours fut l’occasion à la fois de vérifier que je n’avais pas trop fait de bêtises et de remplir ce document. Mais il est également constitué de ce que nous avons pu remarquer avec Benjamin lors de la visite de contrôle en juillet. Un seul exemple de problématique qui me tourmente. L’année passée nous avons fait un prêt pour une vache à un instituteur. Est-ce réellement intéressant ? Et le problème est plus large, actuellement nous favorisons sans le vouloir un modèle de société type ferme d’avant la révolution industrielle où les gens avaient un peu de terre, quelques bêtes. On a comme cela tout un tas de gens qui au lieu de spécialiser, se diversifient. Des maçons qui empruntent pour des chèvres, des charpentiers pour des cochons. Or ils ne se rendent pas compte que le remplacement d’une heure de travail d’un charpentier par une heure de travail à donner à manger à un cochon est une grande erreur en termes de rentabilité. Par ailleurs il est clair que la spécialisation de la société est la condition de son développement.

Enfin, je m’attachai donc à cela pendant la journée et quand vint la nuit nous pûmes nous réunir José, Joaquim et moi pour revenir sur ces quelques jours, prendre quelques décisions et préparer la suite des évènements. Après avoir analysé la situation dans les divers lieux, nous avons établi une politique particulière à chacun des lieux.
A Zacualpa, nous accepterons tous les prêts à 2000Qz parce qu’elles ont une expérience avec CARE mais avec conditions. Nous profiterons du cas spécial qu’elles constituent pour leur en demander plus que d’habitudes. Il faudra qu’elles cherchent de nouveaux marchés pour vendre les poulets ou les costumes et qu’elles s’informent de comment engraisser une vache en six mois pour les trois derniers projets.
A Joyabaj, après une sublime solution initiée par Joaquim, finalisée par José, nous accorderons trois prêts de 1500Qz aux trois personnes qui ont un projet correct pour leur signaler que le projet est pas mal mais pas suffisamment précis. Quand aux trois autres nous leurs dirons qu’ils peuvent emprunter entre 500Qz et 1500Qz (pour les mettre a égalité avec les premiers) à la condition de refaire une sollicitude plus précise et plus honnête.
A Chiche, nous accorderons tous les prêts à 500Qz les projets étant globalement intéressants, et les différencierons au prochain cycle en favorisant plus les meilleurs projets.
A Chinique, nous accorderons les prêts à neuf personnes pour 500Qz. Pour la dixième nous reparlerons avec lui avant de voir, car lui fait un prêt pour un projet dont sa mère va s’occuper, ce qui ne me semble pas aller dans le bon sens.
Enfin pour les autres lieux Joaquim présentera à nouveau la chose et s’ils ne veulent pas. Tant pis.

Ensuite je continuai la réunion par la description de comment on souhaite que soit présenté nos prêts dans le futur : devant pas mal de gens en disant que nous ne les prendrons pas tous, que leur sollicitude doit être parfaite et que l’on favorisera les petits prêts parce qu’ils sont moins risqués. Et ensuite je déroule une présentation plus ou moins typique écrite dans la journée avec mes notes.

Comme tout cela a pris beaucoup de temps, nous terminons là et aborderons les autres points une autre fois. Nous allons manger avec José, car nous n’avons pas encore eu le temps de le faire. Et malgré son réveil tôt le lendemain, nous parlons encore beaucoup avant d’aller nous coucher. Lui est convaincu que la décision que j’ai prise d’insister sur les projets à 500Qz à Chiche et à Chinique était les bonnes. Soit. De toute façon, maintenant, tout se présente à peu près correctement, les prêts de 500Qz ne vont réellement présenter aucune difficulté aux gens ici, beaucoup plus riches qu’à Ixtahuacan. Quant à Zacualpa, nous verrons de quoi ces femmes sont capables, mais à la moindre accroche, nous abaisserons la prochaine quantité d’argent prêté. Pour Joyabaj, la solution que m’ont trouvée mes deux collègues me paraît vraiment satisfaisante. Nous permettons aux meilleurs projets d’être financés à bonne hauteur tout en abaissant un peu le prêt. Quant aux autres nous leur laissons suffisamment d’espoir et suffisamment peu de marge de manœuvres pour qu’ils nous dégottent quelque chose de pas trop mal. C’est d’ailleurs à mon sens cette solution qui aurait du prévaloir dans une très large mesure pour l’ensemble des communautés. Accorder aux meilleurs projets un peu moins, dire aux autres de revoir leurs copies sans baisser le montant mais en précisant qu’un montant bas aura plus de chances qu’un montant élevé. Enfin, ce qui est fait est fait. Là j’ai une petite semaine de repos avant l’arrivée de sylvain et la reprise des hostilités avec au programme la distribution des prêts et encore quelques présentations.

Avant d’aller me coucher, il me faut quand même relater cette information cocasse dans une certaine mesure. Un mail de nos compatriotes françaises travaillant pour solidarité et partage, Anne et Marie, m’a prévenu que notre nouvelle responsable à Chicaman était un fort caractère, hautement politique et que le courant ne passait pas exactement avec certaines personnes, dont certaines de nos anciens groupes. Merci Miguel de prévenir. Enfin, cette légère technicité supplémentaire ne rendra la chose que plus intéressante. Bonne nuit.

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