Présentation, accord de prêts et analyse

Mercredi 20 Août

A 5h57, on tape à la porte « Guillermo ». « Si si, estamos listo », le réveil de sylvain n’ayant pas bougé et étant resté à 7h, nous nous levons rapidement et nous habillons tout aussi rapidement. Nous prenons la camionnette qui doit nous amener à Zacualpa. Là-bas, nous nous refusons un petit-déjeuner ayant déjà un bon quart d’heure de retard. Deux idées sous-tendent cette décision : montrer à Joaquim qu’en France, nous sacrifions la nourriture à la ponctualité. Et puis comme ce héros qui aime être en retard pour énerver ses opposants (vous pourrez lire le dernier X-Passion et le très bon article d’une amie), j’aime être en avance, au Guatemala, ça veut dire 30 min de retard, celui qui attend commençant avec une position morale meilleure dans le dialogue.
En plus nous avons de la chance : un pick-up nous prend rapidement et nous arrivons à l’aldea Trapichitos vers 7h30 pour un rendez-vous à 7h. Personne. Pas trop surpris, nous préparons la réunion en faisant quand même quelques allusions à la ponctualité des gens. Comme je veux former Sylvain à l’art d’orateur avant mon départ, je laisse beaucoup de mon temps de parole, ce qui me coûte un peu tant j’ai pris goût à contrecarrer à l’avance toutes objections par des exemples concrets. Bien que tout le monde ne soit pas arrivé, nous commençons vers 8h. Je filme Sylvain dans ses exploits, mais malheureusement mes vidéos ne peuvent se lire sur ordinateur pour l’instant. Joaquim qui fait sa première réunion de présentation avec nous, nous traduit en rajoutant beaucoup d’informations, ce qui déroute un peu mon ami. Mais ce dernier ne s’en sort pas si mal. Je prends le relai pour l’explication du taux d’intérêt qui est l’explication la plus technique que l’on ait à faire ici. Généralement ma présentation consiste à leur dire d’éviter de se poser des questions là-dessus, qu’on a de toute façon le taux le plus bas du Guatemala et je leur donne quelques exemples de remboursements.


Nous sommes tout deux très satisfaits de la présentation de Joaquim. Il a très bien compris le ton que l’on souhaitait avoir. Je lui avais laissé une présentation type et il a repris beaucoup des idées en se les appropriant. Je rajoute quelques exemples de l’année passée, pour enfoncer le clou et pour qu’ils aient une idée de ce que l’on aime et de ce que l’on n’aime pas. Joaquim contrôle qu’ils aient saisi un peu de ce qu’on a dit, chose inscrite dans les manuels de pédagogie militaire mais que j’ai très peu respectée jusqu’ici, souvent exténué à la fin des présentations. Sauf qu’il commence par la question : c’est quoi les intérêts ? C'est-à-dire la chose la plus compliquée et bien sûr la miss répond à côté. Enfin, nous distribuons les sollicitudes avec les exemples que l’on a faits, en précisant que si l’on avait des demandes trop proches des exemples, nous ne les accorderions pas.
Dernière question : accepte-t-on la sollicitude de quelqu’un qui n’a pas de cedula? Je dis que ça dépend, et Sylvain derrière moi me presse pour refuser absolument. C’est le cas de jeunes gens qui ne l’ont pas encore, nous n’accepterons donc pas, ils devront attendre un peu. Nous terminons la réunion en leur disant qu’ils ont une semaine et demie pour remplir la demande et que nous les récupérerons le 30. Direction la réunion de distribution des prêts à 2000Qz qui a lieue à 100m de là.

Là-bas, sept des huit femmes sont déjà présentes. Nous pensons donc commencer rapidement. Nous attendrons en fait une heure, et cette fois-ci, fatigué par la réunion précédente, l’attente n’a clairement pas jouée en ma faveur. Le fait que le nombre de personnes présentes quand je parle varie de 4 à 8 alors qu’on leur accorde les plus gros prêts de cette année m’exaspère un peu plus. Je leur dis nos exigences, mais ne suis pas content de ne pas être plus clair et plus direct ni plus calme. Nous réussirons à faire passer l’idée qu’elles doivent trouver d’autres marchés et engraisser leurs bétails en six mois. Elles ne respecteront sans nul doute pas ces engagements, mais ce sera l’occasion de baisser le montant de leurs prêts et d’augmenter nos exigences. Enfin la réunion se passe, nous prêtons l’argent et les gens nous remercient. J’ai profondément envie de leur dire que je me fous totalement de leurs remerciements et que la seule chose qui importe est leur sérieux. Mais je me tais, je comprends que je n’aurais pas assez de calme aujourd’hui pour être suffisamment clair et obtenir l’effet escompté. Dans le type remerciements, elles nous offrent une soupe à la poule avec chacun un tiers d’une poule. Nous terminons avec difficulté, les remercions et nous en allons à pied. Zacualpa est le plus beau coin de tout le sud du Quiché et n’étant pas pressés, nous prenons plaisir à marcher. C’est l’occasion de discuter avec Joaquim encore un peu. Comme les premiers jours où je l’ai vu, je n’étais guère en forme, il reste beaucoup de chose à découvrir sur lui. Mais je suis tout à fait rassuré par sa présentation ce matin, c’était bien une incompréhension à l’origine du décalage d’attitude et de sélection avec les autres groupes, et non une attitude générale dans ses projets. Enfin, il me fait remarquer que son groupe était quand même plus sérieux, alors que j’y ai vu le même manque de ponctualité et de sérieux en réunion. De toute façon, il faudra encore préciser ce que nous voulons de sa part. Le problème, c’est que nous n’en avons pas la moindre idée.
Nous nous faisons prendre en pick-up avec trois jeunes demoiselles apparemment professeurs. En arrivant sylvain remarque une voiture avec un logo européen, ce qui provoquera quelques recherches durant l’après-midi. Et effectivement, après être rentrés en bus, nous flânons au café internet et faisons quelques recherches sur les programmes européens ici. Bon ce n’est clairement pas de notre taille, mais il y a quelques informations intéressantes. Peut-être même pourrions-nous établir quelques contacts, mais notre manque de légalité nous pèse un peu. Nous attendrons quelques années, mais nous informons quand même.

La soirée sera dédiée à une première analyse des demandes. Fatigués, nous survolons les demandes qui nos posent beaucoup de problèmes. Elles sont en effets bien trop bonnes. J’avais prévu un budget pour 6 groupes. Or sur 17 groupes, nous n’en détectons aucun de vraiment scandaleux, un seul que l’on peut mettre rapidement à l’écart, un autre auquel nous pouvons demander plus de garanties puisqu’ils ont demandé trop d’argent et d’ores et déjà 3 auxquels nous sommes sûrs de prêter. Il faut vraiment mesurer le décalage. Nous avions à sélectionner parmi des projets agricoles très semblables, là certains de nos groupes sont constitués de : un projet de boulangerie, un de magasin de vente de vêtement, un de tortilleria et un de magasin de vente de cuir. Nous n’avons bien sûr aucun recul et aucun outil de sélection de tous ces projets, et il y a autant de demandes pour une ville que pour tous les projets l’année passée. Par ailleurs, nous sommes très désorientés par les décisions précédentes, le manque de compréhension de la situation de pauvreté des gens et plus que tout par le manque de clarté sur ce que nous voulons faire ici. Financer des projets intéressants pour les plus pauvres ? Mais les plus pauvres n’ont pas de projets intéressants, et nous n’avons aucune idée finalement de ce que veut dire être pauvre ici. Fatigués, nous remettons l’analyse précise à un peu plus tard et allons nous coucher.

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