Dexia AM et la futur mort de sylvain et Tania

Jeudi 31 Juillet 2008

Ce matin nous allons à une présentation d’un livre. Bien sûr comme on prend le bus et que je ne sais pas trop ce que ça va être, je m’habille normalement et nous arrivons à une petite réception dans un charmant édifice avec cocktail et gens en costards. Bon, je range mon pull désormais miteux, n’en ayant pris qu’un parce que au Guatemala il fait chaud, et essaye d’entrer en basket. Apparemment ça passe, d’ailleurs à l’intérieur tout le monde n’est pas en costard. Le livre est un recueil de conseils sur la construction d’une stratégie de poursuite judiciaire. Pour être plus clair, ce sont des recettes pour que les associations puissent envoyer en justice les charmants militaires et gagner leur procès contre eux. Forcément ça intéresse Concodig de plus ou moins loin parce que pour les exhumations, ils ont souvent affaire à la loi. Et puis, comme en France, tous ces évènements sont l’occasion de voir les autres personnes qui travaillent dans le milieu associatif local. D’ailleurs, il ne sera pas possible de parler à Miguel de la matinée, trop occupé à parler à ses amis. Un peu fatigué, je ne fais que profiter du cocktail avec Arturo, le comptable de Concodig. Ce qui à vrai est un manque clair d’opportunisme, j’ai vu sur la liste qu’il y avait deux personnes liées à l’O.N.U dans la salle. Mais le sujet n’est pas vraiment le développement et je ne suis pas très énergique aujourd’hui, comme si je me gardais pour mon retour dans le Quiché.

En parlant de ces charmants militaires, ils ont fait paraître hier un avis public où ils annoncent que le gouvernement est indigne, etc … Ca fait frémir Miguel qui perçoit ceci comme une menace et une tentative de faire peur à la population, ce qu’est exactement cela. Mais pour ma part, je trouve que ça ressemble beaucoup aux ultimes sursauts de ceux qui se sentent tomber dans un abîme. Les militaires ont encore beaucoup de pouvoir, mais ceux qui sont restés radicaux vont être marginalisés, car ce n’est plus la politique des Etats-Unis que de les soutenir et que sans soutien, ils n’iront pas bien loin. D’ailleurs Miguel est d’accord avec cette idée.

Nous rentrons au bureau et je lis tranquillement mes mails et les commentaires sur le blog. Notre partenaire de cette année, Dexia AM, nous a viré l’argent qu’ils nous avaient promis, ce qui fait que nous avons désormais toute liberté dans notre travail, étant donné que nous aurons tout juste le temps de sélectionner suffisamment de prêt pour distribuer tout l’argent que nous avons. En effet les 13000€ de budget de cette année, en comptant l’argent distribué l’année dernière, vont représenter des prêts pour environ 300 personnes. Et ce que ne savent pas encore Sylvain et Tania qui vont me rejoindre, c’est que ce sont eux qui vont tout distribuer et expliquer à chacun des quelques 70 responsables de groupes qu’il est important de rembourser chaque mois, etc … Le tout en deux semaines, ça va être intense ! Nous préparons également par courriel la rentrée avec Soline, qui promet autant de travail pour les 2007 dans les prochains mois que pour les 2006 pendant toute l’année. Tout ça me plaît beaucoup, à vrai dire.

Après un déjeuner de discussions stéréotypées sur la jovialité espagnole et la froideur allemande, je m’attaque au dossier de la semaine, l’évaluation ultime : celle de Concodig. Et là, je me dois d’être honnête, j’ai presque moins attaqué Miguel que Cristobal alors qu’il avait été scandaleux dans toute sa gestion pendant l’année. De lui-même il reconnaît qu’il ne nous a pas donné d’informations mensuellement. Il nous dit qu’il a été en janvier et en mars sur place, ce qui correspond, il est vrai, aux mails que l’on a reçus sur l’état des projets. Il faut quand même dire que Loïc et moi lui rappelions mensuellement et plutôt trois fois qu’une qu’il devait nous rendre compte. Enfin, lui qui disait que Cristobal était un fin tacticien, je trouve qu’il se tire pas trop mal de mes griffes, peu acérées aujourd’hui il est vrai. Une petite question sur son manque de réactivité lorsqu’il a compris qu’il y avait des problèmes, c'est-à-dire en avril : les responsables de communauté auraient continué à l’assurer qu’ils paieraient. La vérité, c’est que de toute façon, nous avons déjà réglé une grande partie des problèmes en faisant les évaluations des projets et que son rôle est déjà diminué l’année prochaine.

Dans une claire position de force, je pose les jalons du travail de l’année prochaine. Précision, automatisation, contrôle, diminution du rôle de Concodig. Armando m’a bien envoyé un mail me disant que notre rôle est d’apporter de l’argent mais je ne suis pas d’accord avec lui : l’association n’a aucun avenir en France, si son seul travail est d’apporter de l’argent à une association guatémaltèque. J’en discute avec Miguel, et contrairement à ce que je pensais, il comprend et adhère totalement à notre idée d’une organisation avec un conseil d’administration à moitié français et à moitié guatémaltèque.
En attendant, il me case une fois de plus qu’il pourrait faire une visite par mois, ce que je n’entends bien sûr pas. Ce sera une visite en janvier et une en avril, si tout se passe bien. Les visites seront des visites de contrôle en présence des responsables de communauté qui prendront désormais contractuellement la responsabilité locale du projet. Ces derniers informeront Concodig mais également directement XMF mensuellement de la situation sur place. Et je case à nouveau que Miguel doit obtenir la semaine prochaine un suivi du compte par internet. Bilan : l’année prochaine, nous pourrons directement contacter les responsables de communauté, nous aurons accès en temps réel aux informations du compte bancaire, et comme nous travaillerons avec à la fois Concodig et José Cruz, Miguel sent très bien, et ça se voit, que si il foire, nous n’aurons aucune hésitation à changer.

Tout cela s’est passé dans une jovialité extrême et nous finissons sur une discussion futuriste de comment nous allons sauver le monde tous ensemble. Je n’excelle pas encore pour sauver le monde en parole mais suis très content de ce qui vient de se passer. En deux semaines, nous avons fait accepter à Miguel le travail avec José et redéfinit le travail d’une meilleure façon encore que ce que l’on avait pensé avec l’équipe Maya. Nous avions effectivement pensé passer outre Miguel, au final nous passerons outre en obtenant les informations directement des responsables, mais nous avons un contrôle sur les responsables via Concodig. Il me reste samedi à convaincre José et à se mettre d’accord et on pourra enfin légaliser tout cela. Mais du côté de Miguel, tout est réglé, en paroles …

Nous sortons du bureau après cette discussion de quatre heures. J’ai en effet écrit que j’avais des griffes, mais je les utilise avec un intervalle assez long pour qu’il n’en paraisse rien, du coup la discussion dure un certain temps. En sortant, j’ai quasiment la nausée tant la pollution est importante dans la ville. Il a beaucoup plu aujourd’hui et toute la pollution est donc concentrée dans l’air que l’on respire. Nous pensons en Europe que les problématiques d’écologie vont nécessiter un certain temps avant que les pays du sud s’en préoccupent. A mon sens, ça ne devrait pas trop tarder, tant il est presque impossible de respirer ici.

Concodig a des locaux communs avec une autre association, ASEDE. Un membre de celle-ci nous invite à prendre une bière dans un bar. Je lui demande plus de précisions, car ici tous les bars sont en fait des maisons closes. Mais il nous emmène dans un petit bout d’Europe en plein Guatemala Ciudad : quelques rues du quartier Saint-Michel ont immigré au Guatemala pour le plus grand bonheur de quelques cadres constituant la faible classe moyenne de ce pays. Je passe donc deux heures à Paris avant de reprendre la voiture pour rentrer. Sous la pluie et dans la nuit, la ville ne parait pas si miséreuse. Nous traversons la zone 1 qui me rappelle mon arrivée à Brescia dans les mêmes conditions l’année dernière. Sauf qu’au lieu des quelques sublimes monuments italiens dispersés dans la ville, des carcasses de voiture et des habitations dont même de nuit et sous la pluie on distingue le crépit délabré. Nous quittons la zone 1 pour la zone 7, c'est-à-dire le semblant de ville pour ce qu’est vraiment Guatemala Ciudad, un amoncellement de débris plus ou moins organisé pour que l’on puisse y vivre. Nous arrivons à mon point préféré de toute la ville. Tous les matins nous passons sur un pont de quelques kilomètres. En-dessous une vallée abrupte, plaie verte de cette surface blanchâtre, la ville. Les romantiques parisiens auraient été follement heureux de pouvoir passer de la ville à la nature la plus sauvage en un rien de temps. Ce rappel que nous sommes ici dans les montagnes et dans une nature sauvage me semble être un lien rêvé entre la capitale et les montagnes du pays, une sorte d’équivalent permanent de notre salon de l’agriculture. Il n’en est rien, nous discutions au bar de la considération pour les populations indigènes des montagnes. Discrimination et Racisme sont la règle alors que 80% des gens ici sont indigènes. Nous arrivons à la maison de Miguel pour un repos que j’espère efficace. A partir de samedi, il me faudra utiliser à nouveau toutes mes réserves en énergie !

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