Premier jour avec Joaquim

Mercredi 6 Août

Réveillé à 5h30 du matin par les premiers enfants qui se lèvent, la nuit m’a semblé un peu courte après la journée d’hier. Enfin, je mange, j’écris un bout et je pars à 7h du matin avec Joaquim pour Zacualpa. Il n’a pas beaucoup de chance le monsieur, pour notre premier jour de travail en commun, je suis complètement crevé. Enfin, je me force tant bien que mal à discuter un peu. J’en profite pour comprendre que lui est loin des cercles de Concodig, ce qui est aussi bien, ça nous permettra de connaître d’autres associations locales, et de trouver des portes de sorties en cas de problème. Il ne connaît ni Armando, ni Miguel, et me demande comment c’est mon association déjà : « como, conso … ». Ah, non Concodig, ce n’est pas mon association, mais celle de Miguel. La mienne c’est X-MicroFinance. J’en profite pour dire que le nom passe très mal à l’international. Enfin je lui explique tout le topo.
Lui finit ses études et est en stage actuellement. Je n’ai pas encore compris ce qu’il étudiait mais l’information ne devrait pas tarder à passer. Il travaille ou a travaillé avec quelques institutions avant nous et semble avoir un peu d’expérience. Dans la zone, il me dit connaître beaucoup de gens. Nous verrons. En attendant il possède une librairie à Zacualpa et travaille donc avec de nombreuses écoles. Lui arrive à avoir un employé qui la gère à sa place. A vrai dire, ça m’inquiète un peu que José n’arrive pas à trouver d’employé qui puisse gérer sa tienda, je me demande si ça ne tient pas à la personne.
La boulette, c’est que l’on va exactement dans la même aldea, trapichitos que celle ou je viens de refuser de travailler avec Miguel et un responsable en bois. On a quand même de la chance. Enfin je vais voir si déjà on tombe sur la même personne, dans quel cas ce sera réglé. Mais, après un petit-déjeuner en ville, et une montée en pick-up, rien d’autre n’allant dans les aldeas ici, on s’arrête cent mètres plus loin que là où nous étions allé rencontrer le responsable de Miguel. Oups, si l’on travaille avec l’un et pas l’autre, ça ne va pas passer inaperçu.

La réunion commence, je parle pendant 5 min, vérifie si elles comprennent l’espagnol, non ? Ah heureusement que j’avais travaillé mon intro. Enfin Joaquim me traduit, beaucoup mieux d’ailleurs que Ernesto la veille. Enfin c’est l’impression que j’en ai. Assez rapidement, on tombe sur un os. Joaquim avait dit que les prêts pouvaient aller jusqu’à 2000Qz et elles ont toutes compris qu’elles auraient un prêt de 2000Qz, Joaquim étant une personne de confiance. Et parce qu’elles n’ont pas que ça à faire, elles ont fait un prêt d’environ 1000Qz chacune pour commencer tout cela. Comme Joaquim me fait comprendre qu’il n’a vraiment pas envie de perdre la confiance de ce groupe là, je dis qu’on va examiner chacun des cas.
Pour les projets de poulets, pas trop de problèmes, elles ont toutes des revenus assez élevés, id est plus de 1000Qz/mes, de l’expérience dans l’affaire, elles vaccinent même leurs poulets, et en plus ont de l’expérience en terme de prêts puisque c’est comme cela qu’elle fonctionnaient jusqu’alors et qu’elles ont même travaillé avec une association, CARE, qui leur faisait épargner tous les quinze jours. Seul hic, aucune ne sait ni lire, ni écrire, ni même parler bien l’espagnol.
Sauf qu’ensuite je tombe sur des projets de vache. Et je n’aime pas trop ça, parce que les revenus sont à l’année. Surtout qu’au début je comprends mal une info sur les entrées d’argent d’une personne. J’annonce donc qu’à la limite je leur laisse une chance de trouver d’ici quelques semaines un autre projet en leur laissant une autre sollicitude. Refus d’une des personnes, on a toujours tout fait ensemble, on veut continuer comme cela. J’hésite a lui demander pourquoi les poules sont réparties dans les maisons et pas gérées communément, ce qui réduirait de beaucoup les coûts, mais je me retiens. En lieu et place, je lui explique qu’on a beaucoup de gens à aider et que si elles ne veulent pas, à vrai dire, ce n’est pas vraiment mon problème.
A vrai dire, je suis toujours fatigué, et elles me soûlent vraiment. Sauf que j’arrive à prendre du recul et à voir que leur projet de poulets est quand même bien ficelé et qu’elles ont pas mal d’expérience ainsi que des revenus suffisants. Et surtout la dernière personne a un projet plus que rentable. Elle fait des hauts de costume avec une machine, le projet que voulaient monter sans expérience nos charmants compagnons à Chicaman et El Desengaño. Un jour pour en faire un, un jour pour en vendre un. Entre 150Qz et 250Qz de gains à chaque fois. En un mois de travail elle rembourse presque son prêt !
Je leur fais donc un sermon sur le fait que si on leur laisse le prêt, ce sera une chance inouïe pour elles, parce que ce n’est pas notre politique que d’accorder plus de 500Qz / prêt pour la première année. Qu’elles le devront à Joaquim, quitte à lui lâcher un groupe pour qu’on lui fasse confiance, autant en rajouter une couche. Et surtout qu’elles auront intérêt à être très sérieuse dans les remboursements et les informations sur le projet, parce qu’on ne sera clairement plus gentils avec elle. Je me laisse une porte de sortie en disant que le problème maintenant c’est qu’elles sont chères et qu’il n’est pas dit qu’on est l’argent.

Enfin tout cela passé, elles nous offrent un des meilleurs déjeuners que j’aie mangé ici. Viande, avocat et tomate. Nous discutons avec Joaquim et il insiste à nouveau sur le fait que par le passé il a travaillé avec ce groupe et qu’elles prennent tout ce qu’il leur dit comme sûr. Je lui dis que nous accorderons sûrement ce prêt mais que ça va se ressentir sur le budget. C'est-à-dire qu’on va en refuser ailleurs.

Tout cela nous a pris beaucoup de temps, et il est déjà 2h30 quand nous partons pour Joyabaj. Nous n’aurons pas beaucoup de temps là-bas. En plus c’est dans une aldea tellement isolée que l’on nous demande 150Qz pour y aller. Certes je suis blanc, mais quand même, ça fait cher. Finalement en prenant un peu plus de temps et deux pick-up on s’en sort pour 7Qz chacun.
Sur place, un groupe de six personnes nous attend, nous avons en effet environ deux heures de retard. On commence donc rapidement. Puisqu’ils parlent l’espagnol, je fais le plus beau speach jamais vu en matière de microfinance dans le Quiché depuis trois jours. Tout bien ordonné, sublime. Les gens acquiescent. Bien sûr, dès que l’on passe à leur demande, changement de ton, tous demandent 2000Qz, aucun n’a de vision à long terme ni une compétence particulière et les projets sont globalement pas géniaux, taureaux et porcs, c'est-à-dire avec des revenus au mieux tous les 6 mois. J’insiste autant que je peux sur les questions des nouvelles sollicitudes, vu qu’ils n’ont pas eu à les remplir, et vu que mon petit doigt me dit qu’ils vont les remplir bientôt pour un nouveau projet. Ceci dit, pour la première fois, une des personnes me fait grossir une vache en 6 mois, ce qui me satisfait de voir qu’il y a des gens qui savent que les bêtes ne se nourrissent pas qu’avec de l’herbe. On ne veut certes pas faire de l’agriculture à hormones, mais entre les deux mondes il y a quelques univers tout de même.

Nous les quittons à 7h30 après une journée de plus de 12h de travail, et comme il est trop tard pour les bus, nous essayons de rentrer en stop. Echec, au bout d’une heure et demie on cherche un hôtel. Second échec les deux hôtels bons et pas chers de la ville sont complets. Moment mythique du plus grand mytho de l’histoire de l’hôtellerie guatémaltèque : nous arrivons dans le dernier hôtel confortable de la ville.
« Reste-t-il une chambre dans l’hôtel ?
- Oui mais seulement des chambres avec salle de bain privé.
- Et combien cela coûte-t-il ?
- 140Qz » nous faisons la moue suite à cette réponse, et il s’installe un certain silence
« Mais ça dépend, vous avez besoin d’une facture ?
- Non
- Alors ce sera seulement 110Qz , parce que vous comprenez la facture, ça fait augmenter le prix des chambres. » Suite à cela, nous attendons pour voir si en enlevant les serviettes il peut encore faire baisser le prix de 20Qz, mais finalement nous partons sans qu’il nous retienne.

Nous errons donc encore un peu dans les rues, n’arrivant pas à trouver l’autre hotel de la ville. Finalement une charmante demoiselle nous aide à le trouver. En y entrant, un sieur, dont je n’arrive pas à déterminer le taux d’alcoolémie que j’estime cependant élevé, nous mène, à travers une habitation tout autre que propre, à notre lieu de repos. Sur quelques parpaings n’a été passée qu’une seule couche de peinture d’un orange clair seyant parfaitement avec le gris de la tôle qui surplombe le lieu. Vue sur les arrières cours délabrées de la ville. Pourtant ça m’amuse en fait beaucoup d’avoir quitté le luxe, relatif, pour cela parce que 9€ la chambre de deux avec salle de bain, c’est quand même un scandale. De toute façon, je suis tellement épuisé que je dormirais n’importe où. Quand je suis fatigué, j’ai beaucoup de mal à m’échapper de l’abîme de mes pensées pour porter une attention à la chose inintéressante dont m’informent mes sens : le monde. Ces derniers temps, je pense à ce que j’écrirai. J’étais donc tranquillement en train de penser que j’écrirai que cette chambre me convenait parfaitement quand soudainement j’éclate de rire. Je me suis en effet fait un peu mal en m’asseyant sur le lit tant il était dur. J’ai dormi sur des sols moins durs que ce lit. Tout en écrivant, je contrôle que le monsieur n’a pas oublié de mettre un matelas. Si il y en a bien un, mais je n’exagère pas en disant que l’épaisseur est inférieure à 5cm. Cependant mon état mollusque renforce ma sérénité, je m’épancherais sur n’importe quelle surface sans même la sentir et y dormant parfaitement. Bonne nuit donc.

4 commentaires:

nicolasmeunier a dit…

Je réponds aux trois derniers posts en même temps.
Ca a l'air de devenir compliqué comme affaire globalement. Est-ce qu'on pourrait avoir un petit récapitulatif des aldeas où t'as rencontré des gens, qui sont les responsables que vous avez vu depuis le début et combien de groupes à chaque endroit ?
Parce que ça m'a l'air de faire beaucoup de nouveaux potentiels responsables avec de nombreuses zones de nouveaux crédits. Et ça, comme le disait mon cher ami Guillaume Virag il y a quelques semaines, ça fait des coûts fixes de maaaaalaaaaaaaaaaaade, pour reprendre une expression qu'il aime bien ;) (et qu'il a d'ailleurs utilisé pour décrire le fait que ces anciens avaient fait des prêts dans 3 zones différentes)

Est-ce que ce sont des aldeas de la même zone ? Combien y en a ? Il faut aussi penser à l'an prochain, combien de temps faudra t-il pour faire le tour de l'ensemble des projets ?
Je pense qu'il faut être clair sur le fait que 2000 Qz, c'est négatif pour un premier prêt... sauf en cas de revenus largement suffisants, ce qui est peut-être le cas pour le dernier groupe de femmes.
Sinon, j'espère que tu as insisté à fond sur le fait que la plupart des gens n'auraient pas de prêts (même si c'est pas tout à fait vrai...), ça permet de marquer les esprits et d'éviter les conflits quand tu reviendras pour expliquer pourquoi certains ont eu un prêt et pas d'autres.
D'ailleurs, vous devez décider d'une méthode de communication pour l'acceptation ou le refus des prêts. Pour nous, on avait appellé les responsables locaux et c'est eux qui ont prévenus les groupes en leur disant que même si le prêt avait été refusé à leur groupe, ils pouvaient venir à la remise des prêts pour s'expliquer avec nous. Finalement, lors de la remise de prêts, il y a avait surtout les groupes qui avaient été acceptés, mais il y avait aussi certains groupes mécontents de pas l'avoir eu qui voulaient s'expliquer avec nous. Et nous avons clairement expliqué nos raisons.

Mais vous pouvez très bien décidé de faire l'annonce à chaque groupe par vous-même... et dans ce cas, préparez bien ce que vous allez dire...

Sinon, pour le groupe de femmes, c'est la faute de Joaquim s'il n'a pas su leur expliquer correctement l'affaire. Il faut faire attention à ce genre de types aussi... J'aime pas trop qu'on te force la main (même si ça influence pas ta décision finale) parce que c'est pas forcément bon signe pour la réussite du prêt. C'est clairement à toi d'imposer les choses et de pas te laisser marcher dessus parce qu'elles ont l'habitude de ci ou de ça... Si t'aimes pas le projet de vache, tu dis non. Point final. Elle choisit un autre projet, en disant clairement que si tu fais le prêt et qu'elle fait pas ce qu'elle a dit dans son contrat, y aura plus d'autres prêts à aucun membre du groupe et cela même si elles remboursent bien.

Bref, si on pouvait avoir une petite vue d'ensemble pour sortir de toutes ces informations chronologiques, ça serait vraiment génial de ta part, mon petit chou à la crème ;)

Besos de mi aldea, San Laurente en Royanes...

Unknown a dit…

Comprend pas.
La Grèce t'avait pas vacciné des sols durs? ne te rappelle dons tu pas de la nuit dans le fameux château de la Venaria Reale?

En tout cas, tous tes discours te reflètent parfaitement : sérénité, réflexion, égo (un peu quand même - je te taquine)

D'accord avec Nicolas sur le fait que faut quand même faire attention à ce qu'elles comprennent bien que c'est vous qui choisissez de donner le prêt ou non et pas Joaquim!

guillaume.virag a dit…

Cte bon vieux ancien qui me rappelle à mes critiques.

Ouep je te ferai un bilan de l'affaire. Le truc avec les 5 nouvelles du projet José, c'est qu'elles sont toutes à moins d'une heure de Quiché. Donc en terme de voyage, je t'avoues que ça prend autant de temps de voir les 5 que d'aller à Ixtahuacan et de revenir.

Pour le groupe de femme, je pense que je vais l'accorder. Mais je t'avoues que j'ai demander à Joaquim de les rappeler pour leur dire que les trois projets de taureau ont deux semaines pour trouver comment on engraisse un taureau en 6 mois. Du coup aujourd'hui, comme tu pourras le lire bientôt, mon approche était un chouilla différente et assez efficace.


Et Fabien je te promet que la veneria reale, la pierre était moins dure que le lit. Mais bon effectivement le vaccin marche bien, j'ai très bien dormi, :)

nicolasmeunier a dit…

La carte est parfaite, pas besoin de t'embêter plus pour le moment ! Ca permet d'avoir les idées claires au moins !

Gracias.