Réunions en séries

Dimanche 17 Août 2008


6h10 : réveil. Miguel se lève donc nous aussi, à la différence que nous nous sommes couchés plus tard pour rédiger notre histoire. Je trouve même la douche froide alors qu’elle est clairement tiède. Enfin, le réveil arrive devant un atoll de riz avec du chocolat, c'est-à-dire une boisson un peu plus dense et hétérogène que du lait au chocolat, le lait ayant été remplacé par du riz a moitié mixé. Le prix ? 6 Qz, je m’attendais à cinq, mais bon ce n’est pas très cher. Ah 6, c’est pour les trois personnes ? Bon d’accord, je m’incline. Nous partons pour Chicaman en minibus. 20 minutes plus tard à 7h50, la montre de Miguel ayant simplement 20 min d’avance, nous arrivons. Sans surprise avant 8h30 nous ne voyons pas grand monde, et à 9h, 9h15 la réunion commence.

Sylvain se lance « Il y a un groupe bien et trois personnes pas mal, le reste est moins bien, je vais vous expliquer ce qui ne va pas ». Que c’est charmant. Je ne poursuivrai pas tout à fait sur le même ton et trente minutes plus tard, lorsqu’il finit sa partie, lui ayant casé quelques remarques, et lui ayant clairement bien compris le style de Miguel et le mien, ceci devient. « Nous avons analysé les sollicitudes et il faut le dire nous ne sommes pas contents. Toutes sont mauvaises, seules quelques unes sortent un peu du lot ». Je retiens un léger rire, mais c’est parfait, ce jeune padawan se débrouillera mieux que moi sous peu. Je me souviens de notre première réunion, où choqué par l’état de misère des gens, nous avions été si doux et aimable. En même temps, c’était une visite de contrôle, où il était bon que les gens sentent la confiance qu’on leur fait et le sérieux et la responsabilité qu’on leur accorde. Pour les discours d’accord de prêt, ce n’est pas le même ton. « Non seulement vos sollicitudes ne sont pas très bonnes, mais en plus les projets ne le sont pas non plus. Peut-on savoir pourquoi un maçon nous demande d’acheter des chèvres, un charpentier des porcs ? Ah et les projets de vaches, nous le disons une fois pour toute, nous n’en voulons pas, c’est trop peu rentable ». Sylvain me confiera qu’il est vraiment surpris que les gens se laissent faire sans rien dire. Mais si, ils diront un peu quand nous les verrons groupe par groupe. La vérité, c’est que quelques uns de nos messages ont été très bien compris, un peu à notre surprise, car la raison de notre ton, c’est qu’on espère que les gens retiennent le plus possible de ce qu’on leur dit, sans beaucoup d’illusions sur ce sujet.

Enfin, ils se trouvent quelques excuses pour expliquer leurs sollicitudes mais comprennent et acceptent notre point de vue, ce qui nous satisfait clairement. Le maçon nous raconte par exemple que les chèvres, c’était son fils de 14 ans qui s’en serait occupé, mais qu’il va plutôt effectivement faire des projets de développement de son activité de maçonnerie. Je me dis que je suis assez content que l’on ait refusé ce prêt !

Nous voyons en premier lieu le groupe de Fransisco à San Antonio. Celui à qui nous accorderons le prêt. Lui continue son affaire sur des mensualités fixes tandis que sa femme et sa fille passent à des mensualités fixes avec une somme plus importante pour le mois où elles vendent. Sommes accordées, 1000 et 700 trois fois. Nous expliquons néanmoins ce que l’on veut voir comme progrès pour l’année prochaine. Il nous faudra pouvoir donner des objectifs à atteindre pour les groupes durant l’année, conditions d’augmentation des prêts. En gros il nous reste des quantités herculéennes de travail. D’ailleurs Sylvain me dira trois fois dans la journée : « mais c’est incroyable ce qu’il y a comme travail à faire ? ». Les femmes de la famille ne savent pas signer donc c’est Fransisco qui signera pour elles. A vrai dire j’ai une piètre idée de si l’on fait un gros projet familial ou si ce sont vraiment quatre projets différents. Certainement la vérité se situe entre ces deux extrêmes.

Eux partent et arrivent les gens de l’Aldea Puente Seco. Nous disons groupe par groupe ce que nous voulons et les gens l’acceptent plutôt bien. Au milieu, Don Pedro, un paysan d’âge respectable nous annonce qu’il quitte le navire : tout cela demande trop de temps. A qui le dis-tu ? C’est la troisième fois que je viens à Chicaman, car c’est un bordel ici et on devra y revenir encore au moins une fois ! Enfin, je comprends qu’il n’ait pas envie de perdre trop de temps là-dedans, surtout que les perspectives d’apprentissage et de progrès personnels à son âge sont quand même plus limitées. J’écrivais hier qu’il nous fallait développer une politique particulière pour les personnes âgées, cela m’est démontré à nouveau aujourd’hui. En même temps, c’était en pensant à lui que j’avais écris cela. Notre taux de renouvellement vient de chuter de 3% au moins puisqu’il emmène avec lui sa femme. Ce qui me fait plaisir, c’est que sa fille, que, je ne vais pas plus le cacher, je prenais pour une attardée, décide de se détacher de son père et de rejoindre un autre groupe.

Tous acceptent assez bien notre point de vue et nos décisions, j’ai l’impression que le succès du projet ici l’année passée est la cause de cela. De toute façon, il est clair que plus il y aura d’exemples de succès du projet, plus on pourra être exigeant, et plus il faudra d’ailleurs se contrôler pour ne pas s’empêcher de travailler avec les plus vulnérables. Ils finissent par nous quitter et nous voyons les gens de Xecaguïc. Commençons par l’ancien groupe dont il ne reste que les deux femmes que nous avions vu. Cause du départ des hommes ? « Toman mucho », je me fait répéter l’affaire un peu surpris, et esquisse un sourire en comprenant que les deux sont alcooliques et ont été écartés pour cette raison. Bon, pourquoi elles n’ont presque pas rempli leurs sollicitudes ? Elles ne savent pas écrire ? Elles se feront aider par des amis, par Eliseth en dernier recours pour la prochaine fournée. Mais le fait de mettre Eliseth à leur disposition pour cela devrait régler le problème. Nous donnons une nouvelle fournée de sollicitude en précisant encore ce que nous souhaitons et passons à l’autre groupe de Xecaguïc. Je me rends compte qu’on leur a refusé hier un peu fatigués, mais qu’à peine adaptés, on pourrait très bien les accepter. Enfin, les réécrire ne leur fera pas de mal, nous leur expliquons les précisions supplémentaires que nous souhaitons et y joignons quelques nouvelles demandes.

Coup de fil de Marcelino qui demande à me parler : ils attendent depuis 9h et sont remonter contre Miguel qui les a fait venir trop tôt. Enfin, j’ai un petit doute que Miguel leur ait réellement donné 9h comme heure de rendez-vous, ça ne rentrait pas vraiment dans le programme de la journée. Je lui dis que nous y serons à 2h et que de toute façon nous n’avons besoin de parler qu’à sa femme. Nous commençons à analyser le projet de shampoing. Elles en ont fait un peu, c’est très rentable, 50Qz d’investissements, 100Qz de bénéfices en trois heures de travail d’une personne, vous noterez que ça fait moins de 3€ l’heure, mais ici c’est énorme comme rentabilité. L’idée vient d’une autre municipalité qui font déjà cela, elles veulent à 13 de leur association apprendre à toute la montagne comment en faire. Après avoir continué à poser quelques questions sur les coûts ou d’autres choses, nous leur expliquons assez clairement ce que nous pensons. Idée bonne, c’est tout. Et forcément ça ne suffit pas. Si elles nous fournissent un projet très détaillé, beaucoup plus petit, pas plus gros que 5000Qz avec pas plus de 5 personnes dessus, qu’elles oublient la formation de l’ensemble des habitants de la montagne avant quelques années, qu’elles structurent le tout, sécurisent leur apport en matière première et nous disent comment elles vont vendre, peut-être accorderons nous un peu quelque chose. Je suis un peu surpris car elles ne se battent pas beaucoup. Même Eliseth acquiesce à ce que l’on dit. Décidément, c’est très tranquille aujourd’hui. On verra bien ce qu’ils nous fourniront. Cela peu tourner mais ressemble actuellement à un projet à la Cristobal et Armando.


Enfin, nous courons pour être à l’heure à notre rendez-vous à 2h à Uspantan. Nous prendrons même un tuk-tuk, ne voulant pas attendre un minibus qui met trop de temps à partir. Mais quand nous arrivons sur place, nous attendons quelque peu avant de voir le moindre signe de Micaela. Un quart d’heure plus tard, nous allons manger avec elle. Je ne voudrais pas cacher que ça va être un assez gros challenge que de faire tourner El Desengaño, elle ne sachant pas utiliser Internet, étant joignable par téléphone deux jours par semaine et ne nous comprenant pas toujours. Enfin, ça serait intéressant de voir si l’on arrive à faire émerger une responsable à partir de peu. Nous verrons, de toute façon, seuls un groupe ou deux sont en jeu, et dans tous les cas je pense qu’ils rembourseront. Donc le seul risque, c’est d’être un peu dans le flou sur El Desengaño, et encore on a quand même quelques numéros de téléphone sur place. Cristobal que j’ai vu il y a deux semaines ne lui a pas expliqué l’évaluation que nous avions faite du projet à El Desengaño ni fourni les sollicitudes. Deux crois supplémentaires pour le monsieur. Nous lui en fournissons donc de nouvelles, et Sylvain lui explique ce que nous attendons comme précisions sur les demandes. De toute façon, ici il n’y a pas trop de doutes, les demandes d’El Desengaño ne seront pas très bonnes cette année, nous y sommes trop peu allés, trop peu de réunions. De toute façon, nous savons que nous n’augmenteront pas les prêts ici, les gens ayant remboursé trop irrégulièrement.

Allez direction le troisième rendez-vous de la journée, Fernando. Bien sûr celui avec Don Pedro, notre ancien responsable, a sauté. Je pense que celui-ci a quelques doutes sur notre détermination. Ils ne devraient pas durer trop longtemps. Sur la route de ce troisième rendez-vous, comme nous n’avons pas assez de retard, nous improvisons un passage chez Ernesto. Les sollicitudes de sont pas encore prêtes ; moi je n’aime pas ce bougre. Nous le saluons, les sollicitudes, il les apportera à la officine de Concodig, puisqu’il va à Guaté dans la semaine. Nous disions, Fernando. Lui a 17 groupes de quatre à six personnes, c'est-à-dire autant de monde à qui nous avons prêté l’année passée. Nous lui expliquons que nous ne prêterons certainement même pas à la moitié. Mais il nous dit qu’il a déjà expliqué aux gens qu’ils ne seraient pas tous pris. Parfait le monsieur, il me plaît beaucoup plus qu’Ernesto. Après quelques explications, nous prenons la route pour Quiché. C’est trop tard, Miguel ne pourra rentrer sur Guaté. Nous nous en excusons, mais il nous assure que ce n’est pas grave, le travail doit être fait. Sylvain me dira à son sujet, que jusqu’ici pour lui il s’est montré tout à fait professionnel. Et il est clair que Miguel nous est d’une grande aide lorsque nous sommes ici. Il faudra arriver à travailler avec lui pour ce qu’il se sait faire le mieux, tout en réussissant à l’écarter de la gestion pratique du projet. Mais, ceci est en partie fait, et en parole nous nous approchons d’une gestion du projet par Joaquim. Tout cela avance peu à peu. Mais Miguel restera une aide très précieuse sur place.

Dans le bus, je discute avec mon voisin qui a un chiot très mignon sur les genoux. Peu après, je verrai la tête de sa mère sortir à coté de moi. Lui est plus allemand que guatémaltèque et n’aime pas trop Paris. Pourquoi ? Trop d’africains lavent les rues. Ca me paraît très réducteur et je lui renvoies le compliment : N’y a-t-il pas trop de turcs qui lavent les rues de Hambourg ? Enfin, sa remarque n’est pas tout à fait dénuée de sens non plus. Il m’explique qu’il est venu travailler sur lui au Guatemala à travers une expérience de huit ans. Je veux bien croire que cela lui ait apporté beaucoup. J’admire une nouvelle fois le paysage et comprends enfin le secret de leur beauté : l’alliance de douces courbes et de quelques angles marqués. Quelques lignes brisées sont reliées avec douceur, le tout s’arrêtant nettement lorsque ces lignes atteignent la plaine.


Arrivés à Quiché, notre journée n’est pas vraiment finie. Un passage chez José, à un hôtel pour Miguel et nous rejoignons les deux françaises que je viens d’appeler au café Internet. Ainsi, elles pourront obtenir quelques précisions sur leurs projets. Nous parlons avec et les laissons ensuite discuter un peu avec Miguel. Nous parlerons à José pendant ce temps. Et là je réalise que les deux villes dans lesquelles nous avons refusé de travailler sont Zacapula et Cunen, c'est-à-dire juste celles où il serait tout à fait important de travailler puisqu’elles relient nos deux zones d’activité. Enfin rien n’est perdu. José nous explique également qu’il connaît agrisem et a déjà travaillé avec, que son ami Gaspard, l’ingénieur agronome travaille avec une entreprise d’exportation et qu’il va l’envoyer dans les zones où nous pourrions être intéressés de travailler. Il nous démontre encore toutes les possibilités que nous avons ici et nous nous disons que nous avons beaucoup de travail devant nous. Mais nous essayerons de partir avec un plan de développement de l’institut relativement abouti. Ainsi Joaquin aura de quoi s’occuper.

Nous discutons ensuite d’un projet de boulangerie qui serait censé être passé par Miguel mais dont ce dernier n’a jamais entendu parler, et je me dis qu’Armando a quand même fait pas mal de bêtises. Surtout que l’information qu’il a fournie aux associations françaises jusqu’au dernier moment était que tout allait bien. Enfin, nous, cela ne nous concerne qu’en partie étant donné que nous ne travaillons pas vraiment avec lui, mais c’est un peu dommage toute cette affaire. Enfin, je propose que l’on aille manger, et juste pour rigoler, nous allons chez un chinois au Guatemala. Nous y mangeons très bien et je ne peux finir mon assiette tellement il y a à manger. Sylvain s’écroule sur la table. Il faut dire que l’on doit avoir des journées très longues pour quelqu’un qui sort d’un rythme sportif avec beaucoup de sommeil. En plus nous avons commencé par des journées très chargées, et cela risque de continuer.

Lorsque nous sortons, la fête bat son plein à Quiché, il y a en même temps des comvite, des feux d’artifices, une scène. C’est très rigolo et entraînant, j’y resterai presque avec une personne motivée, mais personne ne l’est trop. Nous quittons Miguel qui devra préparer demain la visite d’inspecteurs à Concodig, nous quittons également un peu plus tard nos deux amies françaises que nous devrions revoir demain matin de toute façon, prenons nos affaires chez José et après avoir servis de parc d’attraction pour petites filles, nous allons nous coucher dans le cybercafé, car il ne faudrait pas abuser à prendre toute la place chez José. Ceci est parfait car nous pourrons travailler beaucoup cette semaine, et sur plusieurs ordinateurs en même temps, ce qui sera tout à fait agréable. Quand je dis que la journée fut longue, je ne mens pas. Heure : 02h14, Musique : française. Je regarde le cours de l’euro face au Quetzal et suis triste. A son plus haut il y a trois semaines, à 12Qz, il descend à une vitesse folle, il est déjà en-dessous de 11Qz. En plus, nous ne pourrons pas retirer rapidement. En comptant les surcoûts liés aux coûts de retraits énormes puisque ne peux retirer que 200€ et les variations du taux de change, nous avons perdu 15% de notre somme en Quetzal depuis que j’avais évalué ce dont nous disposerions il y a 1 mois. Dodo.

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